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Après avoir creusé obstinément son sillon, le Festival culturel national annuel du film amazigh (Fcnafa) a fini par émerger au grand jour. Il est même considéré par les professionnels des médias comme l'événement culturel cinématographique phare du pays. Conçues au départ, dans les limites strictes des missions imparties au Haut-Commissariat à l'Amazighité (HCA), dans le principe de la promotion et de la réhabilitation de l'amazighité dans toutes ses dimensions, les premières journées du film amazigh n'avaient suscité que peu d'engouement au départ. Montée en 1999 à Alger, avec des moyens dérisoires, en comparaison à d'autres manifestations culturelles similaires, mais avec beaucoup de volonté et de persévérance, la manifestation, institutionnalisée à Ghardaïa en 2004, a aujourd'hui droit de cité et cela, grâce aux efforts soutenus et au dynamisme d'une petite équipe de bénévoles, particulièrement enthousiastes qui ne ménage pas ses efforts pour être chaque année au rendez-vous, dans une wilaya différente. «Tout est affaire de ténacité», disait le guide de la dynamique équipe : «Ce n'est pas parce que c'est difficile que c'est impossible». Organisée sous le parrainage de la présidence de la République, et grâce au soutien indéfectible du ministère de la Culture, «gage de confiance et de reconnaissance inestimable», la rencontre est devenue l'espace incontournable d'expression filmique. L'amazighité à l'écran a rarement été évoquée avant les années 80. Puis vinrent les pionniers et parmi eux, Chérif Aggoun, qui avec Taggara Lejnun (La Fin des Djins) a tracé la voie aux professionnels algériens de l'image et du son qui vont en donner une représentation adéquate. Suivront ensuite, Cri de pierre et La Colline oubliée de Abderrahmane Bouguermouh, La montagne de Baya de Azzedine Meddour, Machaho de Belkacem Hadjadj, Si M'hand U M'hand de Rachid Benallal et Yazid Khodja. Ces premières oeuvres, premiers jalons d'une production, ne vont pas cesser de s'étoffer et de s'améliorer au fil des années, non seulement du point de vue thématique et linguistique, mais également du point de vue technique, narratif et esthétique. Trop longtemps ignorée, l'image amazighe est aujourd'hui une réalité concrète. Son extraordinaire foisonnement, en termes de formes, de pratiques, de questionnements, de gestes artistiques, s'accompagne et se soutient d'une connaissance de plus en plus exacte et de plus en plus large de sa propre histoire. Son incursion remarquable et remarquée, ces dernières années sur la scène nationale et internationale, constitue un plus pour la cinématographie nationale. Du 11 au I5 janvier, seront projetées une quarantaine d'oeuvres majeures représentatives d'une cinématographie en pleine expansion, fruit de cette liberté critique sans laquelle le cinéma se montrerait moins digne de lui-même. Sur les 63 films visionnés par le comité de sélection, 19 ont été retenus pour la compétition (4 LM, 9 CM, 2 films d'animation et 4 documentaires). A charge pour le jury international (Jean Pierre Garcia, Nedim Gürsel, Safi Bouttela, Ernest Pépin, Slimane Hachi), piloté cette année par l'auteur du merveilleux Mimezrane, Ali Mouzaoui, de décerner l'Olivier d'Or, le Taghit d'Or et l'Ahaggar d'Or. 24 autres films seront projetés hors compétition, en plus d'un panorama spécial du film amazigh avec 6 films et enfin 12 films iraniens et cela, en l'espace de 4 jours. Parallèlement aux projections, sont prévues, chaque jour, des tables rondes thématiques sur les thèmes divers tels les rapports «Roman/Cinéma», «Musique/Cinéma» et «Critique/Cinéma». Un concours de scénarii est également proposé à la jeune génération inventive pour l'inciter à renouveler les genres, avec deux bourses d'écriture qui seront offertes. La meilleure banderole et la meilleure affiche ont également fait l'objet de concours remportés par des étudiants des Beaux-Arts. La télévision, qui couvre l'événement, organisera en outre un «spécial regard en Tamazight» en attendant l'ouverture de la nouvelle chaîne thématique. Un hommage particulier sera rendu à quatre de nos grandes figures cinématographiques, Keltoum (Aïcha Adjouri), Djamila Bachene, Hadjira Oubachir et Djamila Amzal, et à six invités d'honneur Toufiq Farès, Saffy Boutella, Lounès Aït Meguellet, Kamel Hamadi, Azouz Begag, Jean Jacques Varret et Ahmed Bedjaoui. Sont également inscrites au programme des séances de poésie en multilingue, et des séances de dédicaces avec auteurs et artistes invités. Un clin d'oeil sera fait à notre illustre Kateb Yacine dont le nom à Sidi Bel-Abbès réveille bien des souvenirs. Les invités, présents à l'ouverture, dimanche soir, ont eu l'agréable surprise d'être accueillis, le soir même, par 74 musiciens et choristes de l'orchestre symphonique d'Alger, qui a fait le déplacement d'Alger pour exécuter quelques oeuvres magistrales de leur répertoire. Un tel programme, aboutissement d'un long et fastidieux travail a rendu visible le festival. Tel était l'objectif premier. Le Fcnafa, en l'espace de huit années, s'est forgé un nom, une réputation et une histoire. Si son institutionnalisation lui a permis de prendre son envol, son internationalisation contribuera à le mettre sur un pied d'égalité avec les grands festivals internationaux. Encore faut-il qu'il se stabilise dans une seule ville et donc qu'il évite l'itinérance. Il devrait également songer à s'ouvrir encore plus à l'échelle nationale et qu'il évite de se refermer sur lui-même en devenant, à l'occasion de sa dixième édition, un Festival national de cinéma regroupant tous les segments culturel, arabité, amazighité, islamité, tous réunis et évoluant ensemble. Reste aux pouvoirs publics et à la société civile de s'impliquer un peu plus afin que le Festival du film amazigh algérien puisse devenir le creuset où, cinéphiles, amis du cinéma et grand public pourront échanger et étendre leurs regards et leurs perceptions sur d'autres cultures, d'autres langues et d'autres sensibilités. Mais, quel que soit le succès de cette manifestation, elle ne peut être l'arbre qui cache la forêt. Beaucoup reste à faire pour la promotion du cinéma en Algérie. Ceci dit, faut-il croiser les bras en attendant la création ou l'aménagement des salles, les équipements, la formation des jeunes, la promotion de la diffusion pour parvenir à une professionnalisation du secteur ? Les festivals, loin d'être d'éphémères rassemblements d'invités et de films, et quoiqu'en pensent les détracteurs, jouent un rôle très important au niveau culturel, social, éducatif, et constituent le lieu idoine où on célèbre à la fois, l'exercice de la pensée et de la réflexion en tant que moyens d'éveil et de conscientisation des publics. |
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