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Ghaza au douzième jour, 697 morts : La stratégie de la terreur

par M. Saâdoune

Douzième jour de massacre, le bilan est de 697 morts, dont la moitié des enfants et des femmes, et de près de 3.100 blessés. Au lendemain du carnage contre une école de l'UNRWA qui a fait 43 morts, les Palestiniens ont eu droit à «trois heures » pour essayer de s'approvisionner dans un territoire dévasté par les bombardements. L'UNRWA a démenti les assertions israéliennes selon lesquelles des combattants palestiniens se trouvaient à proximité de l'école. Rien de surprenant, ce crime de guerre délibéré - on ne s'attend pas à ce que le procureur du CPI ouvre une information contre les dirigeants - contre les civils n'est pas un accident, ni une erreur. Il s'agit de briser la volonté des Palestiniens. Après les trois heures de répit où les Palestiniens de Ghaza se sont ravitaillés dans les épiceries et les boulangers, les bombardements ont repris. Des tracts ont été lancés sur des zones de la ville de Rafah pour sommer la population à quitter leurs habitations. Elles ne pourront bien sûr pas aller en Egypte où le passage de Rafah reste hermétiquement clos. Des médecins arabes campaient hier devant le point de passage fermé par les Egyptiens au motif que la sécurité des délégations médicales ne sera pas assurée. Un argument jugé inacceptable par les médecins qui relèvent qu'un médecin norvégien avait pu passer la veille et qu'ils avaient signé des décharges assumant toutes les conséquences. Il est pourtant évident que les Palestiniens ont besoin de toutes les blouses blanches possibles pour prendre en charge les très nombreuses victimes des attaques israéliennes. Il est significatif que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sorte de sa réserve pour dénoncer une crise humanitaire sans précédent dans un territoire soumis depuis des mois à un blocus.



Une crise humanitaire «totale» et un «plan» égyptien



«Il n'y a pas de doute que nous avons affaire à une crise humanitaire totale », a indiqué à Genève Pierre Krähenbühl, directeur des opérations du CICR. «La situation est extrême et dramatique. C'est intolérable». Au Caire, le gouvernement de Moubarak, soucieux de contrecarrer les pressions vers la tenue d'un sommet arabe, a proposé un «plan » destiné à parvenir à la cessation des combats. Ce plan en trois points, présenté mardi soir à Charm El-Cheikh lors d'une conférence de presse avec le président français Nicolas Sarkozy, prévoit «un cessez-le-feu immédiat pour une période limitée » afin de permettre l'ouverture de corridors humanitaires et la poursuite des efforts égyptiens en vue d'une trêve permanente. Il préconise aussi une rencontre israélo-palestinienne en Egypte pour éviter une répétition de l'escalade actuelle et «remédier à ses causes », y compris la sécurisation des frontières de la bande de Ghaza, en vue d'une réouverture des points de passage. Le plan égyptien prend en charge les exigences israéliennes tout en essayant de satisfaire l'exigence principale du Hamas de la levée du siège imposé à Ghaza avec, il faut le rappeler, la contribution de l'Egypte. Sans surprise, les Etats-Unis qui parrainent le carnage ont salué l'initiative égyptienne, Israël a indiqué qu'il considérait «positivement » un dialogue sur le plan égyptien. Le Hamas, lui, appréhende avec prudence le plan égyptien. Son représentant au Liban, Oussama Hamdan, a indiqué que le Hamas allait étudier le plan égyptien sur lequel il avait des «réserves » et qui ne doit pas être considéré comme un «tout à prendre ou à laisser ». Le Hamas exige un retrait des forces israéliennes et la levée du blocus de la bande de Ghaza. Et surtout, le mouvement continue à défendre le droit de résister à l'occupation.



Les leçons d'Erdogan et de Chavez



Le plus remarquable dans un contexte de silence des Arabes est la montée au créneau de certains responsables étrangers. Ainsi, au lendemain de la vigoureuse dénonciation d'Israël par le Premier ministre turc, Tayyeb Erdogan, qu'il a accusé d'être la partie qui n'a pas respecté la trêve et qui mène des carnages à des buts électoraux, Hugo Chavez a décidé de renvoyer l'ambassadeur israélien au Venezuela. Cette décision intervient au lendemain de la dénonciation de l'agression par Hugo Chavez qui a qualifié Israël d'Etat «assassin et génocidaire ». En 2006, au moment de l'agression israélienne contre le Liban, Hugo Chavez a pris une décision similaire. Du Liban, cheikh Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, a indiqué que la résistance devait être prête à «agir face à toute éventualité ». «La guerre de 2006 fera figure de promenade de santé pour les Israéliens s'ils s'aventurent à lancer une nouvelle attaque au Liban », a-t-il déclaré devant des dizaines de milliers de personnes rassemblées dans la banlieue sud de Beyrouth à l'occasion de la commémoration de l'Achoura.

Les démarches diplomatiques servent, pour l'instant du moins, à couvrir les massacres prémédités contre les civils. Au lendemain de l'attaque contre l'école de l'UNRWA, le cabinet restreint israélien a donné son feu vert à son armée pour poursuivre la stratégie de la terreur mise en oeuvre depuis douze jours. Les tueries de femmes et d'enfants ne sont pas le fruit d'erreurs mais participent d'une stratégie préméditée. C'est l'application sous une forme particulièrement peu élaborée d'une technique vieille comme la colonisation qui consiste à écraser non seulement la résistance mais à éliminer toute velléité de rébellion de la population palestinienne. En Algérie, cette approche répétée inlassablement tout au long de la colonisation, peut être illustrée à titre d'exemple par les événements sanglants de mai 1945. La supériorité technique écrasante des armées coloniales, du fusil à répétition à l'hélicoptère d'attaque en passant par la mitrailleuse Maxim, ont toujours été le facteur de différenciation entre l'irréductible barbarie des plus faibles et la supériorité morale autoproclamée des mieux armés. Mais, à l'exception du seul succès remporté aux dépens des Peaux-Rouges par les ancêtres de George Bush, ces méthodes ont toujours débouché sur la défaite ignominieuse des colonisateurs. Et les Israéliens qui ont fait de l'extermination des juifs d'Europe un fonds de commerce très rentable estiment qu'ils échapperont à ce titre au sort commun des oppresseurs. Malgré leur supériorité matérielle, en dépit du soutien de la communauté financière internationale et des politiques aux ordres, ils connaîtront le même destin. En dehors des criminels de guerre, ce sont les régimes complices dans le monde arabe, de l'Egypte de la collaboration à l'Arabie Saoudite de l'usurpation, qui resteront dans l'histoire comme les coresponsables des épouvantables souffrances du peuple palestinien.