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![]() ![]() ![]() Le conseil de l'ordre des médecins à la croisée des chemins
par Bouchikhi Nourredine* ![]() Dans
quelques jours se dérouleront les élections pour le renouvellement partiel des
conseils régionaux de déontologie médicale un événement qui ne suscite plus
l'intérêt auprès de la grande majorité des praticiens ; c'est une des rares
occasions où les conseils sortent de leur léthargie pour faire parler d'eux et
c'est une opportunité pour une évaluation loin des clichés véhiculés
occasionnellement par des médias peu au fait des rouages de cette institution.
L'objectif de cette contribution est de refléter l'image sur la représentativité et la perception du conseil de l'ordre par la population et surtout par la communauté médicale première concernée. Institué par décret présidentiel après une longue traversée du désert ; l'Algérie a en effet trainé en comparaison aux autres pays de la région pour se mettre au diapason et permettre à la pratique médicale d'être encadrée au service du patient et du praticien. Le conseil de l'ordre des médecins (COM) a pour vocation de veiller à la pratique médicale dans le respect de la moralité du métier et dela déontologie et selon les connaissances actualisées pour la préservation de la santé. Il constitue par ailleurs un interlocuteur incontournable auprès des pouvoirs publics décideurs et magistrats pour donner son avis sur les questions relatives à l'exercice médical et sur les éventuels litiges entre confrères eux même ou entre patients et praticiens. Parmi ses autres missions figure celle de protéger le citoyen contre les abus, l'exercice illégale de la médecine et les pratiques de charlatanisme. Le conseil de l'ordre émet un avis sur les nouvelles installations des médecins, les remplacements, les transferts, l'authentification des diplômes et des compétences, il veille au contrôle des mentions portées sur les plaques et les ordonnances. Cependant il souffre d'un handicap majeur celui de ses prérogatives qui sont totalement confisquées par l'administration ce qui lui confère de fait qu'un rôle consultatif et pourra même constituer un obstacle bureaucratique de plus. D'autres missions et pas des moindres devraient être du ressort exclusif du conseil je dis bien devraient car en pratique les choses sont tout à fait différentes, en effet dans la réalité l'administration représentée par la direction de la santé et de la population (DSP) au niveau des chefs lieux de wilaya est le véritable chef d'orchestre pour tout ce qui a trait à la gestion administrative et sanitaire publique et surtout privée ;dans les structures publiques relevant de l'autorité directe du ministère de la santé les décisions du conseil sont sans aucun effet ; Toutes les décisions souveraines relatives aux installations, transferts, remplacements, congés sont du ressort de la DSP l'avis du conseil de l'ordre quand il est sollicité n'a finalement qu'un caractère consultatif non contraignant ;L'obligation d'inscription et d'être à jour de ses cotisations ne constitue nullement un obstacle à l'exercice au niveau des établissements publics ; ce sont des centaines sinon des milliers de praticiens qui pratiquent en fait dans l'illégalité, la tutelle ne les a jamais contraints à se conformer à la réglementation et de fait le conseil de l'ordre reste impuissant devant ce fait accompli. Ce sont là quelques obstacles fondamentaux qui empêchent son émancipation totale et tant que le conseil de l'ordre ne disposera pas pleinement de toutes ses prérogatives par la force de la loi et de manière totalement indépendante de l'autorité administrative, il ne pèsera pas lourd aux yeux de la communauté médicale. Beaucoup d'autres taches devraient incomber au conseil de l'ordre toutefois mais ce n'est pas l'objet du sujet. D'autres griefs inhérents au fonctionnement et aux missions mêmes de ce conseil et de ses représentations régionales tendent à le décrédibiliser auprès des professionnels médicaux. Les conseils régionaux sont représentés par des sections ordinales de wilaya ,malheureusement ceux ci ne disposent même pas de locaux ayant pignon sur rue et auxquelles pourrait s'adresser le médecin ou le simple citoyen, ce ne sont alors que des bureaux virtuels installés tantôt dans un service hospitalier tantôt dans un cabinet privé, d'ailleurs même le conseil national et les conseils régionaux ne disposent même pas d'un site sur la toile qui facilite le contact , la communication ,la vulgarisation des activités quand elles existent ou les services à destination des professionnels et de la population ; Comme s'il y avait une volonté d'occulter leur existence. Sur le fond, le mode du scrutin est loin d'être un modèle démocratique il renforce la main mise d'une wilaya ou d'un groupe sur d'autres ;celles-ci (les wilayas) sont rattachées entre elles pour constituer un conseil régional chacun des médecins exerçant dans la région à la faculté de voter pour un représentant qui pourrait résider dans toute une autre wilaya sans même le connaitre ,le revers de la médaille c'est que paradoxalement il en résulte que les représentants élus par leur pairsau sein de leur wilaya ,même s'ils arrivent en tête de liste et obtiennent la majorité au sein de leur circonscription ils ne pourront siéger au conseil de l'ordre si les médecins plus nombreux d'une autre wilaya en décident de leur barrer le chemin par un jeu de coulisses et de consignes de vote souvent pour des raisons subjectives et personnelles ; tirant profit de cette lacune ils jouissent alors d'un statut de super électeurs en quelque sorte. Il se trouve donc que des médecins non choisis par leurs collègues soient retenus pour les représenter au niveau des conseils régionaux contre leur choix exprimé alors que ceux effectivement ayant réussi à obtenir la majorité au suffrage local seraient tout simplement mis à l'écart ; une aberration ! Le jeu démocratique est ainsi biaisé au départ. Des pans entiers de professionnels dont la voix est ainsi confisquée se sentent donc non concernés ni par les élections ni par les « activités » souvent réduites à l'organisation de congrès ou séminaires pour ce faire un écho et qui normalement sont du ressort d'associations ou sociétés savantes. La démobilisation du corps électoral est nettement palpable le jour du scrutin qui ne représente donc aucun enjeu pour eux sauf pour des membres bien ancrés dans leur siège depuis des années qui tentent par tous les moyens d'y rester au point que même l'appel aux candidatures se fait souvent en catimini il peut se résumer en un affichage auprès des DSP ,là où les médecins ne se rendent qu'exceptionnellement pour des besoins administratifs, celle-ci (la DSP) n'a ni l'obligation ni la vocation à diffuser l'information alors que tous les moyens existent pour que le conseil régional puisse atteindre les concernés ;le téléphone, les messages, le courrier électronique et enfin le courrier postal classique tout court ;les cotisations annuelles couvriraient largement ces dépenses, mais cela dénote d'une stratégie délibérée pour maintenir le statu quo et fait l'affaire des carriéristes dont la contribution à l'essor de cette institution est insignifiante et loin de défendre la profession ;et beaucoup sont plus préoccupés par la gestion de leur « poste » que par les aspirations des inscrits ,leur activité principale se résume à récolter les cotisations dont la gestion aux yeux des professionnels se fait dans une opacité totale (aucun bilan moral ou financier n'est mis à la disposition des cotisants ) et à apposer une griffe sur les attestations d'inscription réclamées par certaines chancelleries pour la délivrance de visas, sinon à l'occasion des interventions auprès de médias ; plus de bruit que d'efficacité. Ces conseils auront du pain sur la planche pour gagner de la crédibilité ; ils devraient manifester plus de solidarité aux confrères et consœurs en difficultés ou à leur famille du fait d'une maladie, un accident, un décès et ne pas se confiner dans un rôle bureaucratique et répressif. Ils devraient veiller au respect du règlement dans son corps et son esprit en mettant de «l'ordre » dans la profession et ne pas se contenter de gérer les mensurations des plaques mais les contenus dont certains professionnels se sont approprié injustement des compétences et des titres usurpés préjudiciables à ceux qui ont vraiment galérer pour les acquérir et surtout pour les malades qui se trouvent bernés. Le règlement électoral doit être revu pour que chaque wilaya ait sa propre section ordinale dont les membres seront élus par leurs pairs qui y exercent dans la même circonscription cela encouragera les médecins à s'impliquer plus car ce sera une traduction réelle de leur libre choix. Le conseil régional regroupera alors les membres élus au niveau de chaque wilaya sans laisser le champ libre aux considérations basées sur des affinités régionales corporatistes ou de docilité et connivence. Enfin il va falloir trancher dans le vif et clarifier une situation ambigüe vis-à-vis du conseil de l'ordre entre secteur libéral beaucoup plus vulnérable quand il s'agit de problèmes médico-légaux et secteur public qui se trouve sous la houlette d'une hiérarchie administrative indépendante des résolutions du conseil de l'ordre. Être membre du conseil de l'ordre suppose une abnégation et des sacrifices, les candidats au suffrage doivent être des volontaires au fait des règlements et rouages administratifs et judiciaires ils doivent se consacrer complètement à leur tâche et non pas faire de l'activité dans le conseil un bouche trou complémentaire de leur activité libérale ou une échappatoire aux responsabilités au sein du secteur public et un tremplin pour régler leurs affaires personnelles. Bien sûr ceux qui ont fait ce choix devront être indemnisés en conséquence dans la transparence et la légalité. Le conseil de l'ordre est un acquis après des années d'errance qu'il va falloir fructifier et lui redonner sa véritable vocation d'acteur incontournable dans l'exercice de l'art médical ;il n'est pas permis qu'il soit un champ de bataille à des fins électoralistes à l'image d'autres institutions honnis par le citoyen d'autant plus qu'il regroupe une élite de la société, il ne faut pas non plus qu'il perde de vue son rôle de préservation et de promotion de la santé à travers son implication réelle, active et continue auprès de la corporation médicale et de la société. Le chemin est encore loin pour affirmer que le conseil joue pleinement son rôle et pour gage de sa détermination à relever le défi il doit d'abord être un exemple de démocratie et un miroir du choix libre de l'électeur et tant qu'il reste embourbé dans des pratiques d'un autre âge et tant qu'il ne se remette pas en cause pour être à la hauteur il risque d'être qu'une coquille vide sans âme et sans crédibilité. *Dr |
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