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Le Pr. Lounici Ali est
visiblement inquiet sur le risque de la troisième vague de la Covid-19. « Il y
a un risque de troisième vague ! Nous devons être très vigilants ! », alerte le chef du service de médecine interne du CHU de
Tlemcen. Le professeur est revenu sur les arguments dont dispose l'Algérie
aujourd'hui pour envisager le risque d'une troisième vague. « Si l'on analyse
bien les vagues précédentes, l'on constate premièrement, que ce virus appelé
SARS-CoV-2 ou Covid-19, ne se comporte pas du tout comme les virus qu'on avait
l'habitude de voir.
Il a un comportement anormal et imprévisible ! Le virus est apparu d'abord en Chine en décembre 2019 puis il s'est propagé en Europe vers janvier - février avec un pic en mars dans les pays du sud de l'Europe. Il est apparu, en Algérie, en mars 2020 avec un pic en avril et mai. Il était moins agressif et moins redoutable qu'en Espagne, France et Italie. Mais, sans disparaître complètement, il est revenu en juillet et août alors que tout le monde pensait que le fait de la température élevée atteignant les 40 °C, ce virus ne pouvait pas se propager. Il était beaucoup plus agressif et il a mis en péril toutes les capacités d'hospitalisation de nos structures de santé. En octobre, avec la baisse des hospitalisations, on pensait qu'il allait disparaître et on a même décidé de fermer la structure dédiée à la Covid au niveau du CHU de Tlemcen parce qu'il ne restait que 14 malades à l'époque. On pensait alors qu'on était à la fin du cauchemar. Mais, à partir de novembre, on a noté une reprise des hospitalisations même si la situation est actuellement maîtrisée parce qu'il y a une tendance baissière avec des frémissements mais le virus est toujours là ! ». S'agissant des données épidémiologiques mondiales, M. Lounici souligne que l'apparition du variant anglais préoccupe toutes les autorités du monde entier du fait de la rapidité de sa propagation. « Pour mémoire, ce variant anglais est apparu dans le sud de l'Angleterre en octobre 2020 où il représente à peine 3 %. Le 2 novembre, ce variant représente 64 % pour arriver à 98 % le 7 décembre 2020. Actuellement la Grande-Bretagne est complètement dépassée par une vague très redoutable de ce variant d'autant plus que les autorités britanniques pensent qu'il est plus mortel que les autres variants, selon la déclaration du Premier ministre britannique en date en date du 22 janvier 2021. Actuellement ce variant anglais est déjà présent dans plus de 60 pays particulièrement en Europe où il y a beaucoup d'inquiétude. Les Européens envisagent même d'opter pour le confinement général. Par ailleurs, la situation est très inquiétante aux États-Unis avec 400.000 morts, depuis le début de la pandémie. Ce qui se passe en Amérique latine, en particulier au Brésil, est très préoccupant », précise-t-il. Des interrogations En ce qui concerne l'Algérie, le professeur Lounici soulève deux questions : « Est-ce que l'Institut Pasteur d'Alger est capable de reconnaître le variant anglais par la méthode de séquençage qui permet de déterminer avec précision l'identité du variant. Pour l'information, certaines techniques de RT PCR permettent de suspecter ce variant car normalement en cas de positivité, l'on a trois signaux positifs mais en cas de variant anglais il n'y a que deux signaux qui sont liés à la perte de deux acides aminés en position 69 et 70 de la protéine Spike ». La deuxième question soulevée a trait au trafic aérien. « Il faudrait qu'on sache, si l'Algérie a eu des relations aériennes, au cours de ces deux derniers mois, avec la Grande-Bretagne ou même les pays où le variant est déjà présent. Les chercheurs anglais ont démontré que dans tous les pays ayant eu un trafic aérien avec Londres, le variant anglais était présent sur la preuve du séquençage ! », ajoute-t-il. Selon notre interlocuteur, la réponse à ces deux questions par les responsables de la santé permettra d'évaluer le risque avec moins d'erreurs pour anticiper. « À défaut d'avoir des informations qui nous aident à anticiper on peut envisager l'hypothèse maximaliste, c'est-à-dire la plus grave : le variant anglais va rentrer en Algérie et peut-être il est déjà chez nous. On va faire une simulation avec sa contagiosité très élevée si les variants anglais contaminent 1.000 personnes par jour. Il va provoquer 1 à 2 % de mortalité, c'est-à-dire 10 à 20 décès. Il va être à l'origine de 5 % qui nécessite une assistance respiratoire, c'est-à-dire la réanimation de 50 malades et 15 à 20 % de formes sévères nécessitant une hospitalisation, ce qui nous fera 150 à 200 hospitalisations par jour. Notre système de santé va s'effondrer en quelques semaines car aucun pays au monde n'a les capacités de faire face à cette crise que ce soit sur le plan des structures ou du personnel de la santé, qui est très épuisé, ou sur le plan des moyens matériels, tels que les tenues de protection, les médicaments et l'oxygène. Le seul point positif de ce variant anglais, c'est que dans l'état actuel des choses, il répond à l'immunité naturelle et à la vaccination disponible actuellement. Ce qui est inquiétant c'est l'apparition concomitante de deux autres variants sud-africain et brésilien. Il y a une moindre capacité de neutralisation par les anticorps induits par l'infection ou par la vaccination pour ces deux variants. Ces faits ont été démontrés dans les laboratoires. Une remarque est à faire, c'est que ces variants apparaissent au moment où on découvre le vaccin. C'est quand même troublant le comportement de ce virus ! ». Insister sur les mesures barrière Le Pr. Lounici préconise des solutions pour l'Algérie. « Il faut toujours insister sur l'importance des mesures barrières car ces mesures de prévention sont efficaces, quel que soit le variant. Nous rappellerons l'importance de ces mesures individuelles à savoir la distanciation physique, le port du masque, le lavage fréquent des mains et surtout l'aération régulière des pièces. Il y a aussi les mesures collectives qui relèvent de la compétence des pouvoirs publics, à savoir le confinement général et l'arrêt du trafic aérien ou routier. La deuxième mesure, c'est qu'actuellement, il y a un vaccin efficace contre la Covid, qui permet de diminuer les formes sévères et les hospitalisations ainsi que les décès. Il faut activer la campagne de vaccination et surtout avoir une stratégie de déploiement opérationnelle et efficace. L'équation est de vacciner le maximum de la population en un minimum de temps, pour atteindre l'objectif principal qui est d'arriver à vacciner 60 à 70 % de la population. C'est le seul moyen qui permet d'avoir une immunité collective capable de stopper la propagation du virus. Il faudra que les autorités responsables du secteur de la santé nous détaillent ce déploiement de vaccination avec les quantités disponibles et le timing pour arriver à l'objectif principal. Tous les pays du monde sont confrontés à un problème de disponibilité du vaccin. L'Algérie a opté pour deux vaccins, russe et chinois, et peut-être un troisième celui d'Oxford-Astra. C'est un choix pertinent, parce que d'abord, ils ont été conçus avec des méthodes classiques dont les effets sont connus à long terme. Ils ont aussi un avantage de conditionnement simple, à savoir, ils se conservent entre 2° et 8° dans un réfrigérateur ordinaire. Nous pensons que pour pouvoir disposer des quantités nécessaires pour notre population, il faudrait que les pouvoirs publics étudient les possibilités de fabrication sous licence des vaccins russe et chinois au niveau de l'Institut Pasteur, car apparemment le gouvernement russe est prêt pour les transferts de technologies. C'est une opportunité à saisir ! ». |
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