|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
La journée du 5
juillet a été longue et ennuyeuse pour moi. Le soir, vers 22h, je me suis
allongé en face de la télé pour vider l'esprit et ne plus penser à rien. J'ai
tout d'abord écouté une chanson divertissante : « habibi ya Mustapha ».
Elle a évoqué pour moi de tendres souvenirs, c'est une gracieuse demoiselle qui l'a interprétée. Ensuite, il y a eu ce vieil animateur hideux, monsieur je sais tout. Naturellement, je n'ai pas hésité à zapper sur une autre chaîne. Mais à ma surprise, l'écran est devenu tout noir. En appuyant sur le mauvais bouton, j'avais mis une chaîne radio. L'animateur de « Europe 1 » et son invité parlaient de riches. Je me suis dit tien, c'est un sujet qui va peut-être me faire rêver. MONSIEUR DAVID ET SI MUSTAPHA Dans mon rêve, j'ai vu deux hommes installés confortablement dans une pièce vaste bien éclairée. Sur la table basse, tout prés du canapé, un livre reposait tranquillement devant chacun d'entre eux. Une ambiance conviviale régnait dans la salle. Quand les deux quinquagénaires ont trinqué, j'ai tout de suite identifié leurs origines. Nous somme pragmatiques, a dit David sur un ton posé, nous allons passer au plan B. Mustapha n'a pas réagi, il a préféré rester à l'écoute de son interlocuteur. David a ajouté alors : C'est dommage que la tactique du printemps arabe n'ait pas marché dans votre pays, mais nous n'allons pas rester les bras croisés. Le changement viendra d'une manière ou d'une autre. Nous continuerons à dialoguer ave les ONG et la société civile, nous trouverons toujours des personnes vulnérables à recruter. Au fait, nous avons quelque part en Amérique une équipe bien formée qui attend le feu vert pour débuter son travail. Elle est censée jouer le même rôle que celui du Chicago Boys au Chili. Pour lui faciliter la tâche, il faut que la technocratie soit plébiscitée par les médias. Contrairement à moi, Mustapha n'a pas du tout été surpris par ces propos. David continuait son discours sans la moindre gêne : Le plus important dans l'immédiat, c'est de construire un réseau d'influence, un groupe de pression qui réunira au moins une centaine de personnalités parmi les plus influentes du pays. La nouvelle oligarchie bénéficiera de beaucoup de privilèges ; en contrepartie, elle contrôlera les réactions de la populace en faisant recours à différents procédés. Par ailleurs, le fait que le privé ait investi le secteur de la gestion des aéroports et des ports est un succès, mais malheureusement ce n'est pas suffisant. D'autres secteurs plus importants sont toujours entre les mains de l'Etat. Il est impératif d'investir le domaine de la distribution de l'électricité et de l'eau. La gestion des ressources en hydrocarbures doit être revue, elle n'est pas du tout satisfaisante. Il est urgent de donner aux banques privées une plus grande liberté d'action, un jour elles doivent remplacer la banque centrale, comme aux Etats-Unis. C'est elles qui doivent émettre la monnaie et la prêter à l'Etat, bientôt le dollar ne vaudra plus grand-chose. Il faut réaliser ces réformes dans le plus bref délai et surtout ne pas avoir peur du changement. Ce que disait David me stupéfiait, je ne comprenais point la passivité de Mustapha. Mais je n'ai pas tardé à trouver une réponse. David a été très explicite : Notre commission a toujours bien orienté les affaires politiques et économiques de l'Amérique du Nord, de l'Europe et de l'Asie. Bientôt, pour la première fois, trois personnes du continent africain auront le droit de nous rejoindre. Que tu sois l'une des plus grosses fortunes de ton pays constitue un atout fort pour toi, mais ce n'est pas suffisant, la commission n'accueille en son sein que des stratèges capables de changer le monde. Tu as l'occasion de faire tes preuves. Personnellement, je n'ai pas le moindre doute que tu mérites ta place parmi les maitres du monde. Mon ami, le monde sera bientôt transformé en une structure unique avec un gouvernement mondial, des gouvernements régionaux et des gouvernements locaux. Les défis de l'homme aujourd'hui sont énormes. Les Etats-nation sont dépassés. Le monde a besoin d'une politique qui romprait avec les souverainetés nationales. La solution finale sera proposée par le nouvel ordre mondial. Nous achèverons ensemble la construction de ce nouvel ordre mondial. Tu vas voir, le monde ne sera plus pareil après les jeux olympiques de Londres. Les propos de David m'ont plongé dans la confusion. Je n'ai pas compris ce que les jeux olympiques venaient faire dans cette histoire. Peut-être que ce rêve ne présentait finalement qu'un mélange d'images du présent et du subconscient. Quand j'étais enfant, je rêvais de devenir un athlète professionnel pour pouvoir participer aux jeux olympiques, mais je n'ai jamais adhéré à un club sportif. Si Pierre Daco était là, il me dirait surement que mon rêve a été influencé par mes souvenirs d'enfance, il imputerait l'origine de mon rêve à cette émission radio que j'ai écoutée avant de m'endormir. En fait, l'animateur de la radio et son invité, un chercheur de l'INRS, parlaient d'une étude sur les comportements sociaux des riches. DES EXPLICATIONS DE L'INRS Selon cette étude scientifique publiée dans la revue de l'Académie américaine des sciences, les riches auraient une attitude plus favorable à la vanité et à la cupidité. Plusieurs expériences ont été réalisées par des chercheurs de l'université de Californie. Tout d'abord on a observé dans un carrefour le refus de priorité. Les voitures scrutées ont été classées sur une échelle de luxe. Résultats : plus la voiture est chère plus elle refuse la priorité à celles qui en ont droit. Dans une seconde expérience, on a demandé à des sujets de jouer à un jeu de dés sur un ordinateur et de noter leurs scores sur un papier. Sans que les joueurs le sachent, le logiciel a été programmé de façon à ne pas dépasser un certain score. Au bout du compte, il s'est avéré que les riches prétendent faire un score supérieur à celui que la machine a fixé comme limite. Les chercheurs ont été plus loin encore. Dans une autre expérience, ils ont demandé à des gens de différentes catégories sociales de jouer le rôle d'un employeur. Un postulant venait chercher un emploi et se montrait prêt à accepter une rémunération modeste à condition de signer un contrat minimum de deux années. A l'issue des entretiens, on a constaté que les sujets appartenant à une classe sociale modeste ont avoué au candidat que le travail s'arrêterait dans six mois alors que les riches lui ont caché la vérité pour le payer le moins possible. D'autres tests réalisés au laboratoire ont montré que plus on est riche, plus on est susceptible de tricher. Vu le nombre de riches dans notre société d'aujourd'hui, j'espère que la corrélation révélée dans cette étude n'a pas une signification générale. J'espère aussi que mon rêve ou plutôt cauchemar ne se réalisera jamais et que je réussirai enfin à retrouver le sommeil. Sinon pour ce soir, j'ai décidé de prendre des médicaments, c'est la meilleure façon d'échapper à la réalité. |
|