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L'envahisseur envahi !

par Abdelkrim Zerzouri

Rien n'arrête la migration. Mais, de nos jours, les pays de destination des migrants ne l'entendent pas de cette oreille. De nombreux pays, passant par les Etats-Unis, l'Europe et l'Afrique du Nord en tant que zone de transit, cherchent coûte que coûte à bloquer les flux migratoires des populations en quête d'un monde meilleur, au point d'en faire un drame mondial qui dévoile une sombre facette de l'humanisme.

Plus de 14.000 migrants ont perdu la vie en cours de route vers des destinations rêvées, des centaines d'autres sont portés disparus, sans dissuader les migrants de toujours chercher leur destin ailleurs. Un ailleurs fortifié par des murs et de hautes et longues barrières de fils barbelés dressés aux frontières, devant les migrants, abandonnés dans le froid glacial en Europe de l'Est, où seules quelques associations tentent de leur porter secours. D'autres périssent en Méditerranée, devenue un cimetière froid sans pierres tombales, selon l'expression du pape François, qui a tout au long de ces dernières années dénoncé la politique migratoire de l'Europe, qualifiée de dérive inquiétante pour les démocraties européennes. Sans séduire les gouvernements qui durcissent de plus en plus leur politique migratoire. Alors que les populations de ces pays sont partagées entre les « pour » et les « contre » l'accueil des migrants.

C'est dans cette atmosphère lugubre que la communauté internationale célèbre, ce samedi 18 décembre, la Journée internationale des migrants. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence onusienne, tente à l'occasion de sensibiliser l'opinion sur la situation bouleversante des migrants, qui constituent 3,6% de la population mondiale (280 millions de personnes). L'OIM appelle, à travers un message publié sur son site internet, à renforcer l'action collective pour la protection des droits de l'homme fondamentaux, la vie des migrants, et à optimiser les avantages qu'offrent des migrations sûres, ordonnées et régulières. Quelques pays l'ont bien compris, comme le Canada qui tire un profit immense avec sa politique migratoire « ciblée, ordonnée et régulière », accueillant sur son sol des centaines de milliers de migrants en possession de diplômes universitaires et de métiers. Est-ce une solution adéquate qui peut atténuer les souffrances des migrants ? Quid des autres, ceux qui n'ont pas grand-chose à offrir aux pays d'accueil de plus que leur misère ?

Le détournement de la matière grise devrait être dénoncé autant que le blocage des migrants aux frontières des pays de destination. Une migration sûre, ordonnée et régulière ne doit faire dans le tri des migrants, à défaut de tomber dans des politiques plus abjectes, plus cruelles, que le repli sur soi des nationalistes, des extrémistes, dans les pays de destination. Quand ces pays d'accueil comprendront-ils que c'est leur aveuglement qui favorise les migrations ? Ces pays ont certainement quelque chose à se reprocher dans cette accentuation des migrations, qui sont une conséquence de difficultés économiques, d'une pauvreté extrême et de conflits armés, où ils ont beaucoup à voir.

La formule est à la fois très simple et inaccessible pour freiner les flux migratoires. Il faut juste stabiliser les populations socialement et économiquement dans leurs pays d'origine, en aidant ces pays à se développer, à vivre des richesses de leurs terres et de leurs sueurs. Mais, comment y arriver quand les pays de destination sont les premiers responsables de la spoliation de leurs richesses humaines et naturelles ? Le général Giap, héros de l'indépendance du Vietnam, disait si bien que le colonialisme était «un mauvais élève». Le prix est chèrement payé, mais nous ne sommes plus très loin de l'envahisseur envahi !