L'expérience a montré qu'il ne faut jamais agir sous le
coup des émotions dans les relations avec la France. Les initiatives
anticolonialistes se multiplient à l'ombre d'une crise entre Alger et Paris
après les récents propos du président français, qui a gravement dérapé en
accusant le système «politico-militaire» algérien d'entretenir une «rente mémorielle»
en servant à son peuple une «histoire officielle» qui «ne s'appuie pas sur des
vérités». Une crise qui semble produire un effet boule de neige. En parallèle à
ceux qui appellent à l'élimination du français dans les échanges administratifs
et autres, les députés fraîchement installés annoncent une initiative visant à
soumettre à nouveau un projet de loi criminalisant la colonisation française de
l'Algérie entre 1830 et 1962. Cela rappelle une précédente initiative coulant
dans le même moule parlementaire, qui remonte à 2010, et qui, finalement, n'a
pas été approuvée par l'Assemblée populaire nationale. Le nouveau projet de
loi, présenté à la présidence de l'Assemblée populaire pour étude, sera
transféré au gouvernement avant d'être soumis à la discussion et à
l'approbation, pour ensuite entrer en vigueur après la promulgation du
président de la République. D'ici là, tant que l'initiative est intimement liée
à la crise, les relations entre les deux pays peuvent évoluer de la crispation
au dégel, vers le meilleur ou le pire, et personne ne peut jurer ce qu'il
adviendra de ce projet. Tout comme le dossier mémoriel, qui ne peut en aucun
cas faire l'objet de marchandage, la criminalisation du colonialisme devrait
également être placée au même rang et traitée loin des pressions et des humeurs
du moment. Il est, donc, indispensable de tirer les leçons, d'ordres juridique
et politique, de la précédente initiative et aller doucement mais sûrement vers
l'approbation de ce projet par l'APN. Les parlementaires français, quand ils
ont voté en 2005 la loi glorifiant le colonialisme ou «le rôle positif de la
présence française en outre-mer, notamment en Afrique du Nord», n'avaient lié
leur initiative à aucun fait du moment. Deux ans après le vote en question, en
2007, l'ex-président Sarkozy avait qualifié lors d'une visite en Algérie le
système colonial de «profondément injuste», mais en écartant toute idée de
«repentance», idée soutenue par tous les présidents qui se sont succédé à
l'Elysée. Une constance dans la démarche qu'on devrait adopter loin des
réactions émotionnelles qui semblent dans le moment infaillibles mais qui se
dissipent avec la disparition des effets du choc émotionnel. Cette action
parlementaire devrait se concrétiser loin des turbulences dans les relations
entre les deux pays. Et les responsables du pouvoir exécutif devraient faire
avec cette loi, si elle venait à être approuvée, dans leur comportement avec
leurs homologues français. Soit se mettre à l'extérieur du cercle de
souveraineté de l'APN, et ne pas se laisser entraîner dans des divergences
diplomatiques à ce propos.