Le Hirak a-t-il ses limites où
commence le politique ? Ses revendications sont, certes, purement politiques
mais il ne peut les concrétiser sans l'émergence d'une élite fidèle à ses
principes. Le vaste mouvement populaire, déclenché le 22 février 2019, qui a pu
bloquer le 5e mandat de l'ex-président, et qui a sauvé le pays d'un véritable
désastre, devait rencontrer sur son chemin des femmes et des hommes politiques
capables de prendre le relais et répondre à ses aspirations profondes de
changement du système et d'une vie meilleure dans un Etat démocratique, un Etat
de droit. Composé de différentes tendances politiques, parfois trop opposées
les unes aux autres, pour trouver un minimum syndical entre eux, le Hirak va-t-il à la longue tout droit à sa désintégration ?
Le temps commence, en effet, à mettre en évidence ces divisions, voire des
fractures, qui vont jusqu'aux rapports hostiles dans ses rangs.
De nombreux
citoyens ne participent plus aux marches hebdomadaires à cause de la tentation
du vieux courant islamiste, qui remonte aux années 90, de jeter son hégémonie
sur le mouvement populaire. Plus de deux ans après avoir allumé sa flamme de
liberté, une bonne partie du mouvement populaire ne se reconnaît plus ni dans
ses slogans ni dans ses méthodes de protestation, et encore moins dans sa
propension à vouloir jeter le discrédit sur le pouvoir en place, notamment les
services de sécurité, en usant de moyens les plus vulgaires et répugnants. En
témoigne le dernier exemple du manifestant en âge mineur, qui a été exploité
avec cruauté par des adultes, juste pour ternir l'image des services de
sécurité. Les appels à l'unité des rangs du mouvement dans le respect de la
diversité d'opinion et d'idées politiques, lancés lors de la marche du vendredi
dernier, montrent bien que les divisions commencent à miner les rangs du Hirak. Trop tard pour tenter de recoller les morceaux ? En
face, il y a également le pouvoir en place qui veut bien convaincre de sa
démarche allant dans le sens de la satisfaction des revendications du Hirak, et qui finit par avoir ses effets, à mesurer
pleinement au bout du processus politique engagé, notamment après les élections
législatives anticipées du 12 juin prochain et les élections locales qui
suivront. En parallèle, les autorités n'abandonnent pas leur rôle de garant de
la sécurité nationale, mettant en échec toutes les tentatives de porter
atteinte au pays. Dans une récente sortie médiatique, le ministre de la
Communication, porte-parole du gouvernement, a relevé que dans le sillage de la
concrétisation des différentes mesures prises dans le cadre de la satisfaction
des revendications du Hirak, les autorités publiques
ont constaté «des mouvements suspects et dangereux n'ayant aucun lien avec les
revendications et les objectifs du Hirak». Soulignant
à ce propos que «l'Etat est à l'affût des manœuvres, des actes de provocation
et de déviation cautionnés par des parties séparatistes ainsi que des
mouvements illégaux dont la référence est proche du terrorisme qui tentent
d'exploiter les marches hebdomadaires». Une déclaration qui a un caractère
dissuasif et qui préparerait le terrain à d'autres révélations choquantes sur
ce plan de l'exploitation du Hirak à des fins de
déstabilisation du pays ?