La
Commission des stupéfiants des Nations unies (CND), organe chargé de la
classification des substances considérées comme des drogues au vu du droit
international, a-t-elle ouvert la voie à une dépénalisation mondiale du
cannabis et ses dérivés en le reclassant hors de la catégorie des drogues les
plus dangereuses ? Depuis quelques années, plusieurs pays ont dépénalisé ou ont
permis la consommation du cannabis dans un cadre récréatif, mais cette
substance et sa résine étaient toujours classées parmi la catégorie la plus
prohibitive dans l'annexe IV de la Convention unique sur les stupéfiants de
1961, où sont groupées les plus dangereuses qui favorisent fortement l'abus et
dont l'intérêt médical est considéré comme très faible. Mais avec le vote du 2
décembre dernier, lors de la tenue de la 63e session de la CND, la situation
bascule du tout au tout. Et, c'est sur recommandation de l'Organisation
mondiale de la santé (OMS) que les 53 Etats membres de la CND ont voté en
faveur du retrait du cannabis du tableau IV de la Convention unique de 1961 et
reconnaître de fait son utilité médicinale et thérapeutique. Ainsi, à l'égal de
l'opium ou la morphine, l'utilisation du cannabis dans la fabrication de
médicaments est autorisée par l'OMS et l'ONU. Cette décision a bénéficié de 27
voix favorables, 25 voix contre et une abstention, l'Ukraine. L'Algérie fait
partie des pays qui ont voté contre, mais la balance a légèrement penché du
côté des pays qui ont voté pour le retrait du cannabis et ses dérivés du
tableau IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961. Comment se
fait-il qu'on soit arrivé à bousculer un vieux dogme qui soutient que le
cannabis n'a aucun intérêt thérapeutique ? Il y a les scientifiques, bien sûr,
qui aspirent à une reclassification du cannabis et ses dérivés, pour son
utilité médicinale, mais il y a également d'autres pays qui n'y ont vu que le
profit commercial pour soutenir cette décision. A l'enseigne du Maroc, qui a
des champs immenses de cannabis à faire fructifier, et qui a voté pour son
reclassement hors de la catégorie des drogues dangereuses et prohibées (le
Maroc et l'Afrique du Sud sont les deux seuls pays à avoir voté pour).
D'ailleurs, sitôt l'interdiction de l'ONU levée, le débat a été ouvert au sein
de la classe politique marocaine pour replacer ce vote par un « oui » à l'ONU
dans un contexte national et passer à l'utilisation industrielle du cannabis, prévoyant
l'arrivée d'investisseurs étrangers qui n'attendaient pas moins que ce quitus
onusien pour conclure des affaires dans ce créneau juteux de la culture du kif
au Maroc. Il faut noter qu'à l'issue de ce vote, le cannabis et ses dérivés
restent quand même considérés comme des stupéfiants, car ils passent de la
classification dans l'annexe IV à l'annexe I de la convention de 1961, où se
trouvent regroupés les substances autorisées pour une utilisation
thérapeutique. Mais, en reconnaissant ses bienfaits thérapeutiques au cannabis,
comment pourrait-on interdire sa consommation par petits joints, dans un cadre
récréatif ? Une législation plus tolérante devrait logiquement suivre sur ce
plan.