Si vous
êtes étranger, occupant un poste de responsabilité gouvernementale,
parlementaire ou quelconque acteur politique, mieux vaut ne prononcer aucun mot
d'appréciation de la situation en Algérie. Parce que, tout ce que vous direz
sera retenu contre vous. Vous n'échapperiez pas à la levée de boucliers d'une
partie des Algériens, ou de l'autre, qui criera à l'ingérence dans les affaires
intérieures de leur pays, selon le positionnement de votre appréciation ou
déclaration.
Le
Président français Emmanuel Macron a fait les frais de cette sensibilité des
Algériens après ses déclarations lors d'un entretien accordé à l'hebdomadaire
?Jeune Afrique', où il affiche sa parfaite entente avec le Président Tebboune, saluant son « courage » et promettant de « faire
tout son possible pour l'aider » dans la « période de transition » que traverse
le pays. C'est quasiment toute l'opposition qui s'est levée en un concert de
dénonciations, qualifiant cette sortie du président français d'ingérence dans
les affaires intérieures du pays, d'une entrée par effraction dans le débat
intérieur du pays, de distribution de certificat de légitimité et autre déni au
peuple qui revendique ses droits. Certains jugent même que cette intervention
du président français remue les douleurs d'un passé commun dont les plaies ne
sont pas encore refermées. C'est ce qu'on retiendra de cet entretien, où des
questions pas de moindre importance, pourtant, ont été abordées mais reléguées
au second plans, dont la restitution du patrimoine africain, la fin du franc
CFA, la lutte contre le terrorisme et les relations entre la France et
l'Afrique décrite comme une relation d'amour. Une histoire d'amour, forcément,
avec ses chagrins, ses instants de bonheur, ses jalousies, ses lunes de miel et
ses divorces. Cela n'est pas sans rappeler le tollé général provoqué par la
résolution du Parlement européen, voté au mois de novembre 2019, qui demandait
aux autorités algériennes de mettre un terme à la répression du Hirak et d'avancer sur le chemin de la démocratie. La
résolution en question, qui avait été introduite à l'initiative de l'eurodéputé
français Raphael Glucksmann, avait suscité une
cascade de critiques et de dénonciations en Algérie, des partis du pouvoir et
des deux Chambres du Parlement, qui ont condamné une « ingérence flagrante dans
les affaires internes du pays ». Une autre face du lynchage médiatique de celui
qui oserait s'ingérer dans les affaires internes du pays. Est-ce qu'on ne fait
pas trop en dépensant vainement plein d'énergie ? Le refus de l'ingérence
étrangère serait une réaction, somme toute, logique si elle ne divisait pas
tant le pays sur le plan interne. C'est une marque de grande faiblesse du front
interne que de se taire devant une ingérence et dénoncer une autre, quand elle
arrange ses petites affaires politiques. Et, il faudrait encore s'attendre,
dans les prochains jours, à une autre avalanche de critiques à l'issue de
l'organisation par le Parlement européen, ce jeudi 26 novembre, d'un débat en
plénière portant sur « la détérioration de la situation des droits de l'Homme
en Algérie », qui sera sanctionné par un vote en plénière. N'est-il pas temps
de régler les violons sur une même note quand il s'agit de réagir aux
ingérences étrangères ? Sinon, on ne serait pas plus avancé que des pays qui
vivent de terribles épreuves en se blottissant sous les bras « protectrices »
d'une ingérence ou d'une autre, selon les penchants des mains tendues. Ne
sait-on pas que de la sorte, on ne changerait rien à l'estime réciproque entre
les présidents algérien et français, on ne changerait pas sa volonté au
président français de se rapprocher de l'Algérie dans ce qui porte intérêt à
son pays, et qu'on ne ferait pas changer le vote du Parlement européen sur les
libertés fondamentales, les droits de l'Homme en Algérie, sans nous changer
nous-mêmes ?