
Système !
C'est, certainement, le mot de l'année 2020. Même «Covid-19» et «bavette» ou
«distanciation» font pâle figure devant lui. Même «Boutesrika»
est tombé dans un certain oubli. Mais «système», ça dure. Le terme existait
depuis bien longtemps dans le langage courant des Algériens, mais seulement
avec une connotation le reliant à l'histoire et à la géopolitique de notre
monde : système colonial, système capitaliste, système socialiste, système
électoral... ou, alors, scientifique : système newtonien ou, alors,
organisationnel : système moléculaire ou, alors, de méthodes : système de
santé. «L'usage du terme de «système» n'est pas nouveau en Algérie. Il fait
partie du langage ordinaire de la population. Il s'est incrusté dans la façon
de dire l'autre (système), l'invisible, l'opaque où se trament les tractations
entre les gens du pouvoir, fonctionnant dans le secret entre eux et pour eux»
(© Mebtoul Mohamed, 2019). Heureusement, une chose
les relie.
La
définition générale que l'on retrouve dans les dicos : c'est une combinaison
ordonnée d'idées, de méthodes, de procédés et/ou d'éléments (dont des êtres
humains et des «appareils») ou de moyens habiles pour obtenir et réussir
quelque chose, car réunis de manière à former un ensemble structuré et destinés
à assurer une fonction définie ou à produire un résultat. Plus vulgairement, de
manière connotative, une «bande», une «organisation», une «mafia», une «issaba» plus ou moins vaste, plus ou moins secrète. Le
drame, c'est que l'organisation n'étant jamais ou rarement écrite ou déclarée
(elle est même clouée au pilori par tous), étant partout et nulle part, le
«système» reste insaisissable dans son entièreté d'où des appellations
secondaires comme «pouvoir réel», «pouvoir profond», «complexe» et autres mots
se terminant en «ismes» islamistes, hizb frança, communistes, baâthistes, berbéristes, régionalistes, pagsistes,
athées? Le drame, c'est que n'importe qui peut, pour n'importe quoi et
n'importe quand, soit porter des accusations en convoquant le «système», soit
chercher à s'absoudre de ses propres «crimes» en chargeant le «système». Le
flirt poussé avec le «complot ourdi» à l'intérieur comme à l'extérieur du pays
n'est pas loin. «Le «système», ce n'est pas un homme, c'est un tout ! C'est une
conspiration ! C'est un principe de fonctionnement ! C'est une construction de
l'esprit» (Hedia Bensalhi,
2020). C'est avec le Hirak que le mot «système» a
gagné ses «lettres de noblesse» (re-sic !), ses
animateurs et ses marcheurs visant -tout en s'oubliant peu ou prou au passage pour
les plus âgés- essentiellement les tenants actuels du pouvoir de décision
politique, économique et administratif mais aussi tous ceux qui profitent (ou
paraissent profiter) largement de la situation. Un comportement sociétal à la
limite sinon excusable du moins compréhensible, car faisant partie de tout
paysage contestataire ou révolutionnaire. Ne pas le reconnaître, c'est,
indubitablement, ne pas avoir vécu pleinement avec et dans ce pays. Ne pas lui
accorder d'importance, et ne pas tenter, par tous les moyens (pacifiques et/ou
légaux, cela s'entend) de le dénoncer pour le «démonter» (le «système»), c'est reporter à demain l'explosion sociale. C'est aussi laisser
les radicalismes (surtout religieux et politiques) s'infiltrer et s'imposer au
sein des «foules solitaires», toujours malléables. Il s'agit, aussi, pour la
justice de ne pas accepter que des «coupables» avérés (tout du moins au niveau
des opinions publiques, en attendant les décisions définitives de justice) ne
trouvent de réponse à leurs turpitudes souvent monstrueuses que «la faute au
système», la «faute à la issaba», la «faute au
pouvoir (alors en place)», en plus de la
l'incontournable (et, hélas, bien réelle) «faute à Bouteflika». «L'enfer, c'est
toujours les autres» ! n'est-ce pas ?