A force de
s'enfoncer dans un quotidien difficile, les rêves des Algériens semblent se
dévitaliser, se rétrécir en peau de chagrin et se banaliser autour de
l'incertitude et de l'attente. De l'attente d'un miracle, d'une solution
extraordinaire à cette crise-monstre, laquelle viendrait, peut-être, d'une
quelconque force surnaturelle..., du «bâton magique de Moïse», ironisent même
certains ! Cela simplement pour tenir la tête hors de l'eau, pour ne pas se
laisser emporter par les flots du pessimisme, pour résister, pour exister,
éviter le chaos, la disparition... Beaucoup d'entre ces derniers se contentent
alors de s'écrier : «ce gâchis ne peut plus durer ! Il faudra bien un jour
faire quelque chose parce que nous allons droit vers la catastrophe !»,
d'autres, au contraire, regardent le spectacle de la déchéance et de la
forfaiture morale de la nation en spectateurs désintéressés, en disant
simplement, le cœur las : «il n'y a rien à faire, le pays est irrécupérable,
foutu !» Entre ces deux catégories, plaintive pour la première et fataliste
pour la seconde, une toute petite minorité combative mais presque invisible
dans le panorama social d'aujourd'hui dresse un petit ruban bleu et continue de
labourer les vagues de l'espoir dans un climat suffocant de résignation
collective. Mais celle-ci a-t-elle encore de la force pour persévérer sur cette
voie ? Puis, jusqu'à quand ? Voilà le problème ! D'autant que, de toute
évidence, il y a une perte cruelle de confiance de la société en elle-même, en
ses potentialités de progresser, en l'avenir, en son destin. Chose qui non
seulement la gêne, mais crée en son sein des tensions et des peurs de plus en
plus difficiles à maîtriser. Dans le flou général, l'Algérie apparaît alors
comme une grande loterie ouverte à toutes les hypothèses ! Une loterie où plus
personne ne sait, au juste, sur quoi on va tomber demain. Outre cette
incertitude qui sape le moral, tout se passe comme si les consciences se
ralentissent, comme si le corps de la patrie s'amortit, comme si l'attentisme,
l'assistanat, le désespoir triomphant et l'angoisse ont castré ce qui reste de
vital chez les Algériens. Or, si la présence d'une «saine inquiétude» dans la
société est parfois justifiable pour avancer, il n'en demeure pas qu'elle soit,
dans notre cas, maladive, frisant par moments la paranoïa.
Les nôtres
tirent, à ce qu'il paraît, un malin plaisir à voir le mal partout, à rester
dans l'inconfort du ressentiment et du râle, à critiquer sans rien faire pour
bouger la locomotive en avant. Ce qui rend désormais la tâche de tout
changement presque impossible à accomplir. Dommage !