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Le
20 octobre 2011, le colonel Mouammar Kadhafi était liquidé avec une violence qui
se donnait en spectacle sans pudeur. On ne s'est pas contenté d'abattre le
dictateur, on a fait, avec l'appui des parrains occidentaux, un éloge sinistre
de la violence. Un « viva la muerte» encouragé par les Occidentaux dont les
Libyens n'en sortent plus. Ils n'avaient que «peu d'Etat», ils n'en ont plus.
Ils ne sont plus certains d'avoir un pays.
La liquidation, grotesque, de Mouammar Kadhafi avait la même sinistre signification «inaugurale» que la pendaison, au premier jour de l'Aïd Al-Adha, de Saddam Hussein. Une violence inouïe qui allait bien au-delà de l'homme violent que fut Saddam Hussein qui, beaucoup l'ont constaté, est mort dignement. Mais cette mise en scène chaotique et grotesque du tyrannicide a été surtout l'inauguration du poison sectaire qui est allé en s'amplifiant sur fond, là également, d'une destruction systématique et délibérée de l'Etat. Dans les deux cas, les Occidentaux ont décidé de se substituer aux populations en changeant par la force des gouvernements et en détruisant au passage, et c'est le plus grave, le peu d'Etat qui existait. Le reste est un engrenage prévisible où les logiques sectaires, les extrémismes et les affairismes en tout genre pouvaient déployer leur dynamique destructrice. Ceux qui prétendent qu'une révolution démocratique peut s'imposer par les chars et les avions sont les premiers à ne pas y croire. Ils réussissent cependant à convaincre des naïfs et surtout à intéresser des aventuriers en tout genre. La «classe politique» irakienne post-Saddam, délibérément cadrée dans une organisation qui encourage le sectarisme, est une illustration parfaite de la destruction d'un Etat au profit du chaos. Cet Etat était dirigé par un homme brutal et injuste mais beaucoup d'Irakiens ont découvert qu'une population sans Etat est une injustice plus grande. Le plus ironique, comme l'a relevé Abdelbari Atwan, est de lire un Tony Blair prêcher la lutte contre l'extrémisme islamiste et appeler à l'éradication du Daech alors qu'il est, avec son chef George W. Bush, un de ses géniteurs. Personne ne croit un seul instant que M.Tony Blair a souhaité la démocratie pour les Irakiens. Nul n'ignore cependant que l'Etat autoritaire de Saddam Hussein n'était pas un lieu propice pour le développement du radicalisme islamiste. Ce sont bien les Occidentaux qui ont ouvert ce grand boulevard vers le Daech après la liquidation de l'armée irakienne et l'activation du poison sectaire. Personne ne regrettera Saddam, mais beaucoup d'Irakiens regrettent déjà de ne plus avoir un pays. Blair peut continuer à se gargariser de mots, il est directement responsable de ce qui arrive à l'Irak. Il a semé le Viva la muerte. Combien de Libyens regrettent Kadhafi, c'est sans importance. Mais de nombreux Libyens observent avec effroi la dislocation accélérée de leur pays. Et ceux-là ne peuvent pas oublier le rôle des «chers amis» de Kadhafi dans ce désastre absolu. Comment réparer des pays cassés par une intrusion étrangère violente, c'est la question sans réponse, pour le moment, que l'on se pose sur fond de violences ascendantes. Comment éviter de laisser les intrusions étrangères casser un pays, le nôtre par exemple, cela ne passe pas par un discours de la peur. Mais par l'implication des femmes et des hommes dans un cadre libre et organisé. Cela s'appelle une démocratie «nationale» et donc une sortie rapide d'une gouvernance autoritaire qui a très largement dépassé ses limites historiques. Cela relève du possible et de la politique. C'est la bonne manière, la seule, d'encourager un Viva la vida contre les appels de mort. |
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