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Ali Zeidan n'est plus le Premier ministre de la Libye
mais un homme en «fuite». Destitué mardi par le Congrès général national (CGN,
Parlement) et remplacé par le ministre de la Défense, Zeidan a fait rapidement
l'objet d'une interdiction de sortie du territoire par le procureur général
libyen pour son implication présumée dans une affaire de détournement de
l'argent public. Les Américains ont, sans attendre, «salué» le «travail de M.
Zeidan qui a dirigé une période fragile de la transition en Libye». Décodage
simple : on prend acte de la chute d'un allié, mais on signifie aussi qu'il
sera protégé. «Nous savons que les transitions politiques prennent du temps et
particulièrement pour passer de quatre décennies de dictature à un système
réellement démocratique», a déclaré très «sagement» la porte-parole du
département d'Etat, Jen Psaki. Mais il est bien difficile de voir une
quelconque «transition» dans un processus, probablement encouragé de l'extérieur,
de démembrement de la Libye. Ali Zeidan -qui est passé par Malte pour aller
vers une destination «inconnue»- était le Premier ministre fictif d'une Libye
qui est déjà une fiction. Suspecté de complicité avec les Américains dans
l'enlèvement d'Abou Anas Al-Libi par des forces spéciales américaines, le
crédit d'Ali Zeidan, déjà négligeable, a été ruiné par son enlèvement
rocambolesque en octobre 2013 par une milice de l'hôtel Corinthia de Tripoli où
il résidait. Même un film de fiction n'aurait pas envisagé de voir un Premier
ministre cueilli en pyjama à deux heures du matin. Mais la réalité libyenne
dépasse largement la fiction. Tous les «acteurs» armés, y compris d'ailleurs le
Congrès général national dont le mandat a expiré et qui s'est octroyé une «rallonge»
qui suscite un fort rejet, participent à un jeu très particulier : «prouver»
que la Libye n'est plus viable et «démontrer» qu'elle est devenue un danger
pour la population libyenne.
N'oublions pas que l'Otan est intervenue dans ce pays au nom du «droit de protéger» en faisant une interprétation manipulatrice des résolutions de l'Onu. En œuvrant à entretenir le chaos, ces acteurs apportent aussi la «démonstration» que ce pays est devenu une «menace» pour le voisinage et pour le monde entier. On peut laisser la Somalie à son anomie, c'est-à-dire à l'absence de normes et d'ordre, on ne peut se le permettre pour un pays aussi riche en pétrole et en gaz que la Libye. Et c'est bien sûr ce pétrole, qui peut très largement satisfaire les besoins d'une population libyenne peu nombreuse, qui sert de levier de désintégration. Les «fédéralistes» de l'est du pays, en dépit des menaces de Tripoli, ont bien vendu du pétrole et l'ont chargé à bord du Morning Glory, battant pavillon nord-coréen. Ali Zeidan aura poussé le dérisoire jusqu'à annoncer que le navire avait été arraisonné par la marine libyenne. C'était faux, bien sûr. Des séparatistes ont bien vendu du pétrole, ce qui est censé relever du monopole de l'Etat via la compagnie publique, NOC. Rien de ce qui arrive en Libye ne relève de l'imprévisible, à commencer par sa «révolution» fabriquée de toutes pièces contre une dictature familiale dégénérée, très «serviable» pour les intérêts occidentaux. On est passé d'un Etat «familial» dirigé par un guide délirant à des villes-milices sous la coupe de gens en armes. Souvent délirants eux aussi. La partition est en marche même si elle se heurte à des résistances. La Libye chemine vers une guerre civile pour le pétrole? En attendant une autre intervention étrangère directe. En novembre dernier, le très impuissant Ali Zeidan avait menacé les milices d'une intervention étrangère en rappelant que la Libye était toujours sous l'empire de la résolution du chapitre VII de la charte des Nations unies qui permet à la communauté internationale d'intervenir pour protéger les «civils». Ce n'était probablement pas un rappel en l'air. |
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