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«? Mais que te dire ? Dans le café, on ne comprend plus
rien. On boit et on regarde la terre tourner autour de la tasse et le serveur
autour de la terre. Le bonhomme en haut de la tête est vieux, la terre est
aride, la pluie est rare et on va vers demain mais sans bagages ni adresse. On
ne connaît personne chez nos petits-fils. On connaît presque tous chez nos
ancêtres qui se bousculent pour nous donner leurs noms et prénoms. Et après ?
Rien, on en sait pas qui élire ni qui voter. D'ailleurs qui va voter ? On ne
sait pas là aussi car c'est un métier si neuf et on ne sait pas comment faire.
Glisser un prénom dans une boîte n'est pas voter, c'est farcir. Je suis vieux
maintenant. Pas à cause de mon âge mais de la salle d'attente immense qui est
dans ma tête. J'ai lu dans un livre une seule phrase et après je n'avais plus
besoin de livres. C'était écrit : dans une prison, il y a les barreaux et il y
a un toit. Les prisonniers sont donc de deux sortes : ceux qui voient les
barreaux disent que nous manquons de liberté. Ils se cognent alors la tête
contre les murs, crient, gémissent ou se révoltent et refusent de manger tant
que le mur n'est pas un horizon et tant que la serrure n'est pas un pigeon
(blanc). Je les connais, ils sont derrière mon dos et me poussent à creuser le
mur et à crier comme eux. Ils ont raison mais je ne me sens pas bien avec eux.
Je crains la falaise, juste après quelques mètres de liberté. J'ai peur de
tomber après avoir été libéré.
Les autres ? Ce sont ceux qui voient dans la prison le toit. Celui qui protège de la pluie, du froid, du ciel et de la nudité. Eux ne voient pas les barreaux mais seulement la protection. La prison est leur manteau et le manque de liberté est leur confort. Que veux-tu que je te dise à leur place ? Ils se croient protégés de la liberté par la prison ; ils ne rêvent pas de partir, ni de sortir, mais de rester. Ils voteront pour leur gardien de prison car il est le gardien de leurs peurs. Il ne les empêche pas de sortir mais empêche le monstre d'entrer chez eux, en eux. C'est donc selon ; on le pense tous au café de tes ancêtres, assis en cercles de moi et de notre voisin et jusqu'à l'émir Abd El Kader ni sait plus quoi faire de son cheval après sa mort. On sait tous que la liberté n'est pas facile et ce n'est pas le but de tous les hommes. C'est selon mon ami. Le toit ou les barreaux. Cela ne veut pas dire que l'un a raison ou que l'autre a tort. C'est une question de choix. Derrière les barreaux, les gens s'entretuent. Avant les barreaux, les gens meurent d'ennui. C'est dur d'être arabe surtout lorsqu'on n'est pas un arabe. Je crois que tu m'as compris malgré toi. Bonne hit, elle sera longue et sans étoiles qui t'indiquent du doigt le lever du soleil. Wallah je ne sais plus quoi faire entre un mort qui veut être Président et un Président qui refuse sa mort.» |
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