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C'était la bombe du jour d'hier : il y a près de huit
mille milliards de dinars, soit pas loin de 100 milliards de dollars, de
fiscalité dans la nature que l'Etat n'arrive pas à recouvrer. La Cour des
comptes met en cause le laxisme de l'administration fiscale qui ne fait pas
preuve de célérité et de pugnacité dans le recouvrement. Et encore moins en
matière de poursuites judiciaires à l'égard de ceux qui refusent de payer
l'impôt. Et ce ne sont pas les salariés, ponctionnés à la source, qui sont
responsables de ces «RAR» - restes à recouvrer - mais les entreprises, les
commerçants. Les plus riches, pour faire simple. L'inégalité en matière de
revenus se double ainsi d'une inégalité devant l'impôt.
Le paradoxe est qu'en Algérie le discours dominant a tendance à présenter l'Etat comme ayant la main lourde en matière fiscale contre les entreprises. Un discours qui vient d'ailleurs d'être battu en brèche par un lieutenant d'Ahmed Ouyahia, l'ancien ministre des Finances, Abdelkrim Harchaoui ; il a en effet sonné la charge contre les patrons algériens qui prennent sans donner selon lui. L'Etat a accordé trop d'exonérations et de réductions fiscales aux entreprises sans que cela ait une incidence sur la croissance, affirme-t-il. La Cour des comptes apporte ainsi de l'eau au moulin de M. Harchaoui en montrant l'ampleur des montants qui ne rentrent pas au Trésor. La Cour des comptes ne faisant pas de «politique», elle met en exergue la défaillance de l'appareil fiscal en charge du recouvrement. C'est le plus important organisme du ministère des Finances qui est ainsi montré du doigt pour sa tendance à ne pas faire son travail. Ce fisc qui a mauvaise réputation chez les patrons devient tout autre sous le regard des experts de la Cour des comptes. Trop «cool» avec ceux qui échappent à l'impôt avec une tendance à ne pas actionner la justice pour contraindre les récalcitrants. En Algérie, cela donne une sorte de caricature de l'image qui en a été donnée par les mouvements de gauche dans le monde : une institution dure pour les faibles (les salariés) et indulgente pour les «gros». Et encore, si la Cour des comptes donne un chiffre sur les montants non recouvrés, il est probable qu'elle est loin du compte avec une économie où l'informel est largement incrusté. Le rapport de la Cour des comptes soulève aussi un gros lièvre : celui de la radiation du registre du commerce qui sert presque de blanchisserie fiscale. Et en tout cas, cela permet d'échapper aux poursuites judiciaires et on peut imaginer l'aubaine que cela représente pour ceux qui n'ont aucune intention de payer l'impôt. Il y a probablement une faiblesse de l'administration algérienne dans cette situation. Mais l'argument n'est valable que si on l'accole à une absence de volonté politique. L'administration algérienne, avec ses limites, arrive à faire les choses quand l'impulsion politique lui est fermement donnée. Et surtout quand les instructions lui sont données de manière claire et sans équivoque. L'administration fiscale n'est pas intrinsèquement faible. Elle baigne dans un climat politique général et dans une gouvernance qui continue d'être trop spécifique. |
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