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Il faut le vivre personnellement, par soi ou par ses proches
pour découvrir le calvaire des cancéreux en Algérie. A l'Ouest, un seul centre
pour radiothérapie. Celui de Sidi Bel-Abbès ne fonctionne pas, celui de Tlemcen
non plus. A l'Est ? C'est pire ! Celui, l'unique, de Constantine est sur cale
depuis des lustres. Pour espérer un soulagement donc, il faut jouer des bras,
des relations, des liens, harceler, prier ou espérer. Sinon, attendre un délai
d'un an presque. Ceux qui y travaillent, sous la pression, piégés entre la
détresse et le manque de moyens, vous le disent et n'y peuvent rien. Les fameux
appareils sont manquants ou mal entretenus ou sans entretien. La politique de
gestion préfère consommer l'argent dans la réfection des murs et des vitres
d'un centre hospitalier plutôt que de veiller sur la machinerie. Parce que
c'est la culture algérienne de la gestion du bien public : gérer les
apparences, les trottoirs, le visible, celui qui va frapper et faire plaisir au
visiteur, le ministre, le wali, le Bouteflika. Ce qu'il y a derrière le carton
déco personne ne s'en soucie. Au pire, on prend l'avion vers Les Invalides. Et
cela n'est pas une boutade de méchant opposant : c'est le réel. C'est parce
qu'il y a l'avion et la France au chevet qu'un malade de haut rang ne peut pas
comprendre, penser ou solutionner le calvaire des cancéreux algériens. Il n'y a
pas de lien, sauf le pipe-line, entre le malade de Misserghinne à l'Ouest et le
malade des Invalides d'origine DZ.
Il n'y a pas d'appareils de radiothérapie par manque d'argent ? Non. L'argent on le trouve pour un trottoir, une dépense de prestige, une réfection inutile. A cause des procédures d'achats ? Non. Quand on le veut on simplifie les procédures pour des Emiratis amis. Par manque d'humanité, un peu, mais aussi parce qu'il y a trop d'avions. C'est le complexe des «Invalides » qui crée cette situation, la notion de caste et de soins selon le rang. C'est à cause de l'UGTA qui contrôle votre argent de cotisations maintenus aux barèmes d'il y a vingt ans et qui ne vous servent à rien pour des soins lourds. C'est parce qu'il y a mieux à gagner, dans la gestion d'un centre, en facturant de l'eau de javel qu'un appareil de radiothérapie. Parce qu'on ne sait plus quoi faire de cette médecine gratuite qui coûte trop. C'est parce que cela ne concerne personne. Il y a quelque temps, la manif d'Algériens qui indiquaient du doigt le scandale de la prise en charge des cancéreux face au cas des « Invalides » a laissé indifférent chacun de nous, y compris le chroniqueur. Il aura fallu être touché directement par ce mépris de l'humain pour s'éveiller à cette tragédie et comprendre qu'il ne s'agit pas d'oppositionnisme, d'opportunisme politique, de manque de respect pour un homme malade chez ces manifestants, mais d'un cri sincère qui dénonce une insulte publique : l'Algérie ne manque pas d'argent pour se permettre des appareils de radiothérapie et de prise en charge des cancéreux. C'est juste qu'on n'y pense pas et que personne n'y pense. Le but est de prolonger la vie d'un seul et des siens, pas celle d'un peuple qui peut crever s'il ne va pas voter ! |
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