Le dicton bien de chez nous nous conseille de croiser l'ennemi
le ventre creux, mais très bien sapé. «Souffrir de faim chronique et faire
bonne figure». Voilà donc que l'habit, contrairement à d'autres cultures, fait
le moine. La sagesse de notre chez nous nous conseille de porter un masque. Ce
masque qui marquera la différence entre l'acteur apparent et l'acteur
intérieur. La vie devient ainsi un carnaval. Une vie spectacle. Les psy sont
clairs à ce sujet : «Un masque peut colorer une vie, il peut être utile à
certains moments et dans certains lieux. Le masque permet de faire illusion, il
permet de faire croire à l'autre quelque chose qui n'est pas. En ce sens, il
est manipulatoire. Nos masques permettent essentiellement d'obtenir des choses
des autres et ils sont circonstanciés. Ils permettent d'éviter des peurs
d'assumer sa vie, en particulier lorsque nous nous sommes rendus dépendants,
lorsque nous nous montrons passifs, indifférents, ou encore lorsque nous nous
économisons, c'est-à-dire en faisant le moins possible.
Obtenir des autres, quoi ? C'est relatif à l'environnement
et à la situation. Etre reconnu, occuper le terrain. «S'occuper des autres pour
se vivre comme le centre d'intérêt», «avoir des problèmes pour qu'on s'occupe
de soi», «manipuler les autres et les mettre à notre service, pour se sentir
puissant», «montrer un masque de tristesse pour être aidé», «le masque de la
passivité, de la souffrance, du handicap, de la vieillesse, de la retraite pour
s'économiser, pour en faire le moins possible, pour être pris en charge». Mais
voilà, le jour où on voudra enlever le masque que l'on a porté la vie durant,
il a collé à notre visage, et s'obstiner à l'enlever, l'arracher, on s'arrache
la peau du visage avec et là, c'est le monstre qui apparaît.