Les
images de Bouteflika prenant une tasse de thé et parlant en off ont prouvé deux choses: il est vivant, il est
très malade. La courte scène rassure sur sa santé mais ne rassure pas sur
l'avenir fragile. Il faut être lucide: l'homme est âgé et malade. Le pays ne
peut pas dépendre d'un bulletin de santé ou d'un jeu de rumeurs et de démentis.
Il faut faire vite, bien et avec responsabilité pour éviter des situations
dangereuses. Sauf que dès que Bouteflika a été montré vivant et tremblant et
discutant, ce furent des déchaînements médiatiques de harangueurs de foules par
médias affidés interposés: ceux qui ont évoqué l'article 88 (l'empêchement),
ceux qui s'étaient légitimement inquiétés pour leurs biens, enfants et pays,
ceux qui ont protesté contre la non-gestion de l'information, ceux qui ont
appelé à la succession organisée et ceux qui sont dans l'opposition ont été
qualifiés des pires noms: traîtres, agents du complot étranger, harkis presque,
envieux, jaloux, manipulateurs, etc. Ce gros épisode d'inquiétude et d'attente
n'est pas saisi comme une occasion de souder les Algériens déjà si divisés
entre eux, mais comme petite scène des conciergeries habituelles de la
propagande (une commentatrice de l'ENTV a même parlé des Invalides comme
«institution nationale»). Si la communication sur le dossier médical de
Bouteflika a été désastreuse, la propagande contre ceux qui pensent autrement
est encore plus grossière et primaire: «ceux qui ne sont pas pour le régime,
sont contre l'Algérie». Les images de Bouteflika tremblant ont été
saluées comme une résurrection alors qu'elles ne sont que l'illustration de ce
que l'on pense tous: ce pays a besoin d'un Etat fort et pas d'un dossier
médical, ni de quelques zélateurs qui prennent une convalescence pour un
contrecoup d'Etat.
Bouteflika
est malade, fragile et épuisé. Il ne s'agit pas d'une haine, ni d'un complot,
ni d'une opposition. Le pays a besoin d'un homme fort, légitime, jeune et qui
assure la transition sans chaos, ni menaces sur les intérêts des uns et des
autres. Il ne s'agit pas d'une annonce d'enterrement ni d'un coup d'Etat
anticipé. Il s'agit seulement de rappeler une évidence: la génération de la
légitimité historique s'en va. Celle de la légitimité par les galons ne peut
plus agir comme autrefois. Il reste à trouver un nouveau consensus, de
nouvelles équipes, de nouvelles visions et de nouvelles forces. Croire que
montrer un homme malade nous dispense de cette réflexion ou de cet engagement,
est une illusion terrible et qui sera coûteuse. C'est un égoïsme inconcevable
et une façon monstrueuse de monter sur le dos d'un homme âgé et malade pour
annoncer des victoires imaginaires.