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Kofi Annan a jeté l'éponge dans l'affaire syrienne et
contrairement à ce que les médias occidentaux distillent, l'échec de sa mission
n'est pas imputable à Moscou et Pékin. Ils ont sans doute leur part, mais il n'est
pas évident qu'elle soit la plus importante dans l'esprit de l'émissaire
onusien. Kofi Annan est trop fin politique pour ne pas savoir ce que les
Occidentaux attendaient de lui : une lecture univoque, la leur, de la crise
syrienne et de la manière de la résoudre. Il avait déjà rompu le silence dans
un entretien d'une franchise surprenante publié dans le journal Le Monde. Il
s'y étonnait de la focalisation médiatique sur l'attitude de la Russie alors
que «peu de choses sont dites à propos des autres pays qui envoient des armes,
de l'argent et pèsent sur la situation sur le terrain».
Le régime de Damas a beau être exécrable - et il est bien condamné par l'histoire -, Kofi Annan mettait le doigt sur la mécanique, externe, qui entrave son travail, lequel était nécessairement fondé sur l'ouverture d'un dialogue politique entre les tenants du régime et l'opposition. Or, c'est ce dialogue qui a été rendu impossible du fait de la militarisation croissante d'une opposition, armée par les Etats du Golfe et les pays occidentaux. Kofi Annan était bien dans une mission impossible. Il devenait même un témoin gênant. Les capitales qui regrettent le départ de Kofi Annan le font pour la forme. Elles n'ont jamais apprécié sa manière trop indépendante d'assumer son rôle. Il devait être le témoin qui justifie l'intervention extérieure, il est resté celui qui essaye de résoudre le problème. Un décalage de fond entre les attentes occidentales et la conception que lui se faisait de sa mission. Il faut donc aller à la lettre de la démission d'Annan et non aux interprétations, orientées, qui en sont faites. L'ancien SG de l'Onu explique pourquoi la solution politique recherchée n'a pas pour but de sauver le régime en place. «La gravité des coûts humanitaires du conflit et les menaces exceptionnelles posées par cette crise à la paix et la sécurité internationales ont justifié les tentatives pour atteindre une transition pacifique vers un règlement politique ». Cette démarche a été entravée par « la militarisation croissante sur le terrain» et «le manque évident d'unité au sein du Conseil de sécurité» qui ont «fondamentalement changé les circonstances pour l'exercice effectif de mon rôle ». Les mots utilisés par Kofi Annan, qui n'a rien d'un adorateur de Damas, sont suffisamment clairs pour montrer le hiatus existant entre la nature de sa mission et les attentes des uns et des autres. « Je n'ai pas reçu tous les soutiens que la cause méritait. [?] Il y a des divisions au sein de la communauté internationale. Tout cela a compliqué mes devoirs ». Kofi Annan est resté centré sur le but de sa mission, il n'a pas accepté d'en faire un alibi. Il était devenu clairement un handicap pour les pays du Golfe et les Occidentaux. L'opposition syrienne s'est chargée de le dire régulièrement en termes très durs. Les Occidentaux vont peut-être essayer de trouver un émissaire plus conforme à leur conception de la vocation de la «mission». Mais le jet d'éponge de Kofi Annan est surtout une confirmation de la mise sur la touche de l'Onu. Les USA ont déjà annoncé qu'ils allaient travailler «hors Onu». Les pays du Golfe le font depuis longtemps. Le «front jordanien» vient de s'allumer. Le conflit syrien a cessé depuis longtemps d'être interne. «Nous ne pouvons pas accepter que la Syrie se transforme en un théâtre d'affrontements régionaux et internationaux», ont déclaré des opposants réunis à Sant'Egidio. Un constat désespéré. La Syrie est bien le théâtre d'une guerre commencée par les Syriens et qui dépasse les Syriens. Et dont l'issue pourrait bien être la fin de la Syrie. C'est en cela que l'échec de la mission Annan est d'une extrême gravité. |
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