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Dans la crise libyenne, la Russie s'était un moment opposée
à une résolution du Conseil de sécurité autorisant l'intervention
internationale pour «protéger» la population de la répression massive et
aveugle déclenchée contre elle par les forces du colonel Kadhafi. Elle s'est
ensuite ravisée et a permis le vote de cette résolution. Mais le Kremlin s'est
vite rendu compte que les Occidentaux ont fait usage de cette résolution à des
fins qui ont outrepassé le mandat fixé par elle à l'intervention internationale.
Ce qui a découlé de cet usage, les gouvernants russes l'ont ressenti comme une
humiliation et une atteinte à leurs intérêts géostratégiques en Libye et dans
l'ensemble de la région.
Voilà ce qui explique en partie la position d'intransigeance affichée par la Russie dans la crise syrienne. La Russie n'accordera aucun «blanc-seing» à une nouvelle intervention sous couvert de l'ONU. D'autant que dans le cas de la Syrie, Moscou a d'autres raisons pour faire obstruction à toute résolution du Conseil de sécurité ouvrant la voie à ce type d'opération. L'ex-URSS a noué et entretenu un partenariat stratégique avec le régime syrien, alors dirigé par Hafed el-Assad. Partenariat stratégique à tous points de vue, politique, militaire et économique. La Russie s'en est tenue à la même conduite dans ses relations avec l'Etat syrien, dont le rôle est névralgique concernant les équilibres de la région proche et moyen-orientale. Les Russes ne lâcheront pas facilement le régime de Damas car ils craignent que sa chute entraîne des répercussions préjudiciables pour la sécurité nationale de leur pays par l'effet de contagion qu'elle pourrait avoir sur les Républiques et autres entités musulmanes se trouvant dans l'orbe russe. A tort ou à raison, Moscou voit derrière les bouleversements qui surviennent dans le monde arabe, l'application d'un plan de recomposition politique de la région se faisant au détriment de ses intérêts de grande puissance. Les centaines de victimes que fait, au fil des semaines, la confrontation entre le régime syrien et ses contestataires ne pèsent pas lourd au regard des enjeux qui, pour la Russie, sont en cause dans la crise que traverse ce pays. Il est réducteur de ne voir dans le comportement de Moscou en cette affaire que la solidarité d'un pouvoir autoritaire pour un autre. La Russie défend une solution qui préserve ses intérêts nationaux et elle n'est pas celle que les Occidentaux veulent faire aboutir. Ces derniers ont le beau rôle consistant à apparaître du côté des soulèvements populaires porteurs de revendications de liberté et de démocratie. Sauf que leurs véritables intentions et objectifs, cachés par cette posture, ont été dévoilés dans la crise libyenne. Une mise à nu qui est cause de la paralysie de l'organisation nations-unienne dans celle de la Syrie. Par son statut au Conseil de sécurité, la Russie est évidemment un acteur déterminant de cette paralysie. Mais sa position dans cette crise est partagée par de nombreux autres Etats qui contestent aux puissances occidentales l'utilisation de la couverture des Nations unies à des fins qui ne servent que leurs intérêts et dessinent un remodelage des équilibres mondiaux et régionaux à leur avantage. Si cela est faux, pourquoi ces puissances occidentales, et surtout l'Amérique qui en est le leader, maintiennent-elles l'ONU en dehors du conflit israélo-palestinien et s'opposent tout aussi cyniquement à son intervention en faveur de la population palestinienne, elle aussi pourtant en besoin de l'application en sa faveur du «droit de protection» qui a été mis en œuvre en Libye et qu'elles veulent rééditer pour la Syrie ? L'ONU est bloquée parce que ces puissances l'ont déconsidérée en exploitant sans vergogne ses résolutions ou en les ignorant quand elles ne concordent pas avec leurs desseins. |
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