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La révolution de la place «Tahrir»,
qui a mis fin à la dictature de Moubarak et de son clan, ne doit rien aux
islamistes. Pourtant, ce sont eux qui en sont les grands bénéficiaires au terme
du scrutin des élections législatives organisées dans le pays après la
démission de l'ex-raïs et la chute de son régime. Le Parti de la liberté et de
la justice (PLJ), issu des Frères musulmans, et celui d'El-Nour,
des fondamentalistes salafistes, ont en effet trusté
les deux tiers des 498 sièges de la nouvelle Assemblée populaire égyptienne.
Le courant islamiste en Egypte a fait nettement plus fort électoralement que ceux de Tunisie ou du Maroc et va donc théoriquement être en posture d'imprimer sa marque dans la nouvelle constitution du pays, sans être dans l'obligation d'en négocier le contenu avec les partis laïcs ou démocrates représentés au Parlement mais sans capacité de le contraindre aux concessions. Le seul obstacle qui se dresse désormais devant les islamistes, ce sont les militaires. Il a pu sembler que ces deux forces ont opéré leur rapprochement en ayant uni leurs influences et poids dans le pays pour désamorcer le potentiel révolutionnaire de l'insurrection populaire. Les militaires ont géré la transition de façon favorable aux islamistes en refusant de procéder aux changements tels que demandés par les insurgés de la place «Tahrir». Lesquels islamistes ont eu ainsi l'opportunité de détourner à leur profit la nouvelle donne politique égyptienne créée par la chute de Moubarak et de son clan. Ce fut leur récompense offerte par l'armée, dont ils ont approuvé et soutenu la prise en charge du pouvoir à ce moment-là, quand les véritables acteurs de la révolution égyptienne exigeaient sa dévolution aux civils. L'entente entre militaires et islamistes a laissé entrevoir des fissures aussitôt que les seconds ont fait un pas spectaculaire dans la montée au pouvoir avec leur score électoral. Fissures créées par les déclarations du guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badie, dont est issu le PLJ, grand vainqueur des élections législatives, laissant entendre que la future assemblée populaire, dominée par ce PLJ, pourrait être ferme face à des demandes de l'armée de préserver les privilèges de l'institution militaire, dont celui d'être en dehors des lois ordinaires. A moins que l'armée accepte sans broncher de se laisser dépouiller de ses privilèges, l'ont voit mal comment va perdurer le «deal» passé entre elle et les islamistes aux heures chaudes de la révolution de la place «Tahrir». D'autant que ces mêmes islamistes font souffler le chaud et le froid par des déclarations contradictoires sur des questions aussi cruciales que celle des privilèges de l'armée. Notamment celles ayant trait à l'économie, aux droits de la minorité chrétienne et surtout celle concernant le traité de paix en vigueur entre l'Egypte et Israël. Sur tous ces points, les islamistes entretiennent le flou qui risque de faire réagir l'armée, tenue par les assurances qu'elle a données aux Américains, dont les aides financières et autres sont vitales pour l'Egypte et pour elle. Les Etats-Unis ont d'ailleurs émis en direction de cette armée égyptienne le signal qu'ils sont inquiets des ambiguïtés contenues dans les déclarations des principaux responsables islamistes. Ils ont multiplié les discussions secrètes avec l'état-major égyptien suite à la déclaration du même Mohamed Badie, guide suprême des Frères musulmans, faisant savoir que son mouvement est pour la tenue d'un référendum qui laissera le peuple décider s'il faut déchirer ou non le traité de paix avec Israël. Ces contacts et les frictions qui vont en se durcissant entre l'armée et les islamistes font que les observateurs présagent une rude bataille entre ces forces et d'aucuns même s'aventurent à parler d'un coup d'Etat militaire qui se profile, encouragé en sous-main par Washington. |
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