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«Mieux vaut la
dictature du fer que l'anarchie de l'or» (Proverbe allemand)
«Ils ont grandi dans notre imaginaire et cohabité avec notre vie jusqu'au point où l'on a cru qu'ils sont indétrônables, purs et éternels». C'est ce que m'a dit avec une certaine naïveté intelligente une étudiante mauritanienne en voyant sur «youtube» les lamentables images de la capture d'El-Gueddafi dans un caniveau à Syrte. C'est en partie vrai, les despotes construisent leurs propres fantasmagories» qui deviennent au fil du temps des vérités consensuelles et irréversibles devant des masses baignées dans la peur et la psychose mais des foutaises fragiles et friables au moindre coup de révolte populaire. En ce point, il est digne de dire que ni Hitler, ni Mussolini, ni Ceausecou ni encore moins Saddam n'y ont vraiment pu échapper. Le dictateur où qu'il soit, vit dans un anachronisme chronique, dans une sorte de monde parallèle en nette contradiction avec le réel. Mégalomane, il se ment à outrance jusqu'à ce qu'il se transforme lui-même en pur mensonge. C'est pourquoi, il ne se rend vraiment pas compte qu'en même temps, le monde autour de lui bouge, les mentalités évoluent, et que seul lui reste paranoïaque et prisonnier de ses vieux démons de dominateur. S'il est un portrait-type à coller à El-Gueddafi, ça serait sans l'ombre d'un doute celui-là. De rêves panarabistes à la démagogie africaniste en passant par l'idéalisme tiers-mondiste et l'idéologie anti-américaniste, El-Gueddafi aurait brûlé toutes les étapes de la «folie des grandeurs» et fini, à l'instar de son pair, Saddam Hussein, par être capturé dans «un trou». Lui qui aurait auparavant accusé les rebelles de Benghazi d'être des «souris» et promis de «dératiser» toute la Libye de long en large de ces truands et voyous, version «printemps arabe 2011». Son slogan « zenga-zenga, dar-dar» a, par son caractère à la fois tragique et comique, fait le tour du monde en inspirant chansons, gags, et comédies satiriques, ce Gueddafi-là est mort. A dire vrai, personne n'en est à l'abri, quand «la grande faucheuse» arrive, l'homme n'a qu'à se résigner au sort, mais quelle mort? El-Gueddafi qui vient d'être achevé ou «exécuté» par les forces de la rébellion secondées par l'O.T.A.N en a eu droit à une des plus macabres. Les occidentaux ont eu l'occasion de transmettre par cette mise en scène «hystérique» un message clair aux dictateurs arabo-musulmans: soit qu'ils se conforment à leurs stratégies et là, ils se sauvent, soit ils y dérogent et là, le sort d'El-Gueddafi et de Saddam les attend sans doute en fin de parcours. Il n'y a pas tente six chemins pour l'en décrypter, la démocratie est une «utopie» et l'Occident «nous a menti» sur ses valeurs, ses slogans, et ses principes, la «conscience morale» qu'il essaie d'incarner est battue en brèche par les multiples erreurs dont il est redevable devant l'histoire. La crise économique qu'il traverse en ces moments l'a poussé à chercher de nouveaux marchés commerciaux en vue de placements d'argent et d'exploitation de sa force militaire dans des opérations du type «néocolonial» où il espère pouvoir investir sa domination et son hégémonie en «suçant» ce qui reste des corps exsangues des pays du tiers monde. Pour preuve, aucune convention internationale n'a prédit d'envahir un pays pour tuer ou même relever un «président» de ses fonctions, après l'avatar de l'invasion de l'Irak sous prétexte de possession d'armes de destruction massive, les occidentaux, les U.S.A et la France en tête, ont «récidivé» par cette «épopée libyenne». On est, semble-t-il, en train de nous acheminer vers cette situation d'«hyperconflit» pour emprunter le terme du philosophe français Jacques Attali, scénario selon lequel le monde finirait par une guerre globale suite à la course effrénée des grandes puissances vers l'acquisition des énergies non renouvelables telles que (hydrocarbures, pétrole, phosphate..etc). Il est certain par ailleurs que le convoi militaire de Syrte aurait pu être épargné par les tirs de l'O.T.A.N et le guide libyen capturé sain et sauf, sans blessure ni égratignure, ce qui lui aurait permis de jouir du statut de prisonnier politique et des droits que lui confère la convention de Genève de 49 pour être enfin de compte traduit près d'une juridiction locale ou devant le tribunal pénal international, le fameux «T.P.I» dans l'espoir d'être jugé dans l'urgence des crimes dont il est responsable et livrer par là le bilan de ses 42 ans d'exercice du pouvoir aux libyens. Rien n'en fut, les U.S.A, la France et l'Angleterre, les trois puissances qui ont géré les opérations de «l'Harmattan» en ont voulu autrement. La mort d'El-Gueddafi ne pourrait-elle pas en ce sens être vue sous le prisme d'une volonté d'étouffer certaines affaires douteuses et de compromissions politiques qui s'étendent au-delà de la méditerranée et de l'Atlantique à l'orée des échéances électorales prévues en France et aux États Unis à l'horizon de 2012? Si El-Gueddafi était un tyran à éliminer au plus vite, pourquoi donc le président Sarkozy l'a-t-il reçu en grandes pompes en dérogeant aux règles même du protocole diplomatique par l'installation de ses tentes en plein centre de la plus belle avenue du monde «Les Champs Élysée»? En quoi El-Gueddafi de 2011 serait-il différent de celui de 2007? Est-ce lui qui a dérapé ou c'est la France qui a carrément changé de vision et de stratégie? N'était-il pas l'instigateur de l'attentat de Lockerbie en 88, le sanguinaire de la prison d'Abou Salim en 1996, le bailleur de fonds de l'«E.T.A» et la tête pensante de tas d'autres actions terroristes déstabilisatrices sur le plan international et par-dessus tout le trublion de la région du Sahel ( surtout le Tchad et le Niger), un guide dont le pays est classé par l'administration américaine dans la liste rouge des «Rogue States» (pays voyous) au côté de l'Iran, la Corée du Nord et la Syrie ? La réponse va de soi : le «pétrole», cette manne céleste qui est à l'origine de la «culture de la rente» et de tous les malheurs des pays arabes a changé les calculs des Occidentaux. Si les habitants de Benghazi ont fêté la venue du président français par «one-two-three; vive à Sarkozy» et les rebelles ayant débusqué le guide libyen trépignent de joie à sa mort, les occidentaux eux, ne pensent qu'aux bénéfices qu'ils pourraient engranger de cette prétendue «opération de reconstruction de la Libye». Mais les Américains ont-ils reconstruit l'Afghanistan et l'Irak depuis la fuite des Talibans et la pendaison en pleine fête du sacrifice du Saddam. De même le Kosovo et la Somalie qui ont vu l'intervention in extremis des occidentaux sur leurs terres, en ont-ils tiré bénéfice? A bien y regarder, l'Irak s'est depuis profondément plongé dans le noir du confessionnalisme et la terreur des massacres va s'amplifiant chaque jour davantage et l'autre pays, l'Afghanistan est tout sauf une zone de paix et de sérénité et suscite même l'inquiétude. La France et l'Angleterre veulent-elles réellement qu'une vraie démocratie s'installe dans la durée en Libye? Si les Libyens ont, comme prétendent-ils, le droit de choisir leurs dirigeants en toute liberté et c'est d'ailleurs politiquement et rationnellement fort compréhensible, pourquoi ont-ils dénié ce droit le plus élémentaire aux palestiniens lorsqu'ils ont voté en toute démocratie pour le «Hamas» aux élections législatives de 2006 en coupant les aides européennes au nouveau gouvernement, lesquelles seraient d'ailleurs nécessaires à la survie de tout un peuple en agonie, jugeant les positions de Hamas de «pro-terroriste»? «L'occident, dirait, avec une amère lucidité, l'écrivain libanais Amin Maalouf dans son célèbre ouvrage « les identités meurtrières» ne veut pas que l'on lui ressemble mais que l'on lui obéisse». La règle d'or dans les relations internationales s'appuie sur ce que les Anglais appellent «contending theories», c'est-à-dire, des systèmes de pensée et des blocs idéologiques en lutte et en conflictualité permanente, Orient contre Occident, Capitalisme triomphant contre Communisme résiduel et réfractaire, Islam contre Christianisme...etc se posent comme garde-fous face à l'avancée du monde vers le progrès planétaire. Ce que le politologue américain Samuel Huntington (1927-2008) classifie dans sa fameuse théorie du «choc des civilisations» et l'autre américain Edward Said (1935-2003) dans ce qu'il a appelé «le conflit des définitions». Ainsi, les principes de la force et de la manipulation sont toujours en vigueur, Bush n'a-t-il pas fait allusion par le biais d'un lapsus révélateur aux «croisades messianiques» lors de l'invasion de l'Irak en 2003 et El-Gueddafi n'a-t-il pas qualifié les forces de l'atlantique de «nouveaux croisés» ayant envahi son pays et l'ont délesté de son pouvoir? La guerre psychologique n'est pas du tout une nouvelle invention des temps modernes mais elle jette ses racines dans toute l'histoire de l'humanité, «Hanibal Barca», «Napoléon Bonaparte», «Hitler» et «Joseph Macarthy» aux États Unis s'en sont déjà servie. Mais ce que souvent les médias, par une sorte de réflexe grégaire, cachent lorsque un homme politique à problèmes meurt ou disparaît, ce sont ses aspects positifs. Si El-Gueddafi fut un tyran, il était aussi un homme tiers-mondiste convaincu qui a tenté à maintes reprises de rassembler les pays arabes, musulmans et africains sous l'unique bannière de l'unité. Loin de tomber dans l'apologie de la dictature qui est, que l'on veuille ou pas, en elle-même déjà condamnable à plus d'un égard, ELGueddafi pourrait à moyen et long terme, incarner l'image d'«un martyr des occidentaux» si la transition politique en ce pays ne serait pas bien menée à terme par le C.N.T, scénario d'ailleurs fort probable car la Libye est un pays vierge, aux confins de l'Afrique subsaharienne, et sans culture démocratique où le tribalisme comme langage codé et codifié règne en maître incontesté. Hier, «la poigne de fer» d'El-Gueddafi a imposé la discipline, aujourd'hui et demain peut-être «les mains de velours» de la démocratie pourraient installer le désordre ou à la longue ne seraient pas à même d' y échapper. Le défaut de l'Occident est qu'il encourage l'autoritarisme lorsqu'il est debout sur ses pieds et le discrédite dès qu'il tombe sur terre, on est plus dans une parodie politique qui s'apparente au jeu de cartes «le poker» que dans une logique de venir en aide à des populations ravagées par la tyrannie et les privations de toutes sortes, rappelons à titre d'exemple la parole de l'ancien président français «Jacques Chirac» qui, minimisant la conscience des peuples «tiersmondistes», réduit la démocratie au seul «droit au pain». Par ailleurs, maintenant que le tyran libyen est livré en pâture à la vindicte des rebelles et achevé apparemment à bout portant, le flou qui entoure encore les circonstances exactes de sa mort pourrait nourrir une future haine intertribaliste vu que le clan «Gueddafiste» est le plus grand du pays, le C.N.T est obligé de mettre toute la lumière sur cette affaire afin d'espérer garantir la cohésion nationale. En même temps, les regards tournent vers les munitions, armes et projectiles que les troupes d'El-Gueddafi possèdent et la possibilité qu'ont les éléments de l'«A.Q.M.I» de les récupérer afin d'alimenter leur réseau. Qui pourrait donc en ces circonstances très délicates mettre le holà sur leurs manoeuvres alors que l'on sait que le C.N.T, fort empêtré dans ses contradictions, aurait affirmé qu'il appliquerait d'ores et déjà la «Charia» sur tout le territoire libyen. N'est-ce pas à priori une des formes de concession aux revendications des tendances salafistes libyennes, censées être très proches du mouvement d'Al-Qaïda? Pourquoi El-Gueddafi lui-même n'y a-t-il pas allé jusqu'à ce point? En d'autres termes, assiste-on vraiment à une volonté réelle de la part des nouvelles autorités libyennes de revenir aux sources de la législation coranique ou s'agit-il seulement d'une opération politique en trompe-l'oeil afin d'épater la galerie et d'attirer les islamistes par l'appât de la «Charia»? De toute façon, une chose est sûre: le pouvoir de C.N.T est très faible, d'abord sur le plan militaire, on est face à une absence d'armée régulière capable, si besoin, est d'imposer dans un premier temps la paix, la tradition vieille de plus de 30 ans «des comités révolutionnaires» chère au colonel El-Gueddafi a cultivé l'esprit de «mercenariat» et de «la guerre des bandes» à grande échelle, la «bédouinocratie» pour reprendre le terme de «Luis Martinez», est un risque majeur pour la sécurité de la future Libye, la tâche de rassembler toutes les tribus et d'essayer d'instaurer un consensus national qui sert toutes les parties qui étaient en conflit va certainement prendre beaucoup plus du temps qu'il n'en faut. De plus, la course à «la gloire révolutionnaire» n'est plus à écarter entre les tribus de «Benghazi» ayant étrenné le baptême du feu et celles du «Misrata» où El Gueddafi y avait péri. C'est dans ce contexte que les occidentaux, sensibles à tout intégrisme, tourneraient sans doute du côté du pouvoir d'Alger, militairement le plus fort dans la région après Israël, possédant une longue expérience dans la lutte anti-terroriste, limitrophe de la Libye et de surcroît ayant des ouvertures frontalières sur le Sahel. Une telle position géostratégique est de nature à recentrer toute l'attention sur l'Algérie au moment actuel car d'une part en Tunisie, les islamistes modérés de «Guennouchi» arrivent largement en tête des élections pour la constituante, l'Égypte, quant à elle, risque probablement de tomber entre les mains des «Frères musulmans», et au Maroc, malgré les réformes entreprises par le Roi Mohammed VI, la rue est gagnée par le grand retour au forceps du souffle d'«islamisation». En ce sens, l'Occident va miser sur l'Algérie comme «barrage anti-islamiste» afin de garantir une stabilité régionale au long cours à ses portes, les positions réticentes de l'Algérie envers le C.N.T pourraient, le cas échéant, être interprétées comme une «distanciation» par rapport au phénomène du «péril vert», le président Bouteflika, en diplomate très connaisseur des relations internationales, avait mal géré la crise libyenne. En laissant planer le doute aussi bien chez les occidentaux que dans le gros de la classe politique algérienne par son hésitation de trancher en faveur du C.N.T, il a donné le là à de tas de critiques contre le régime de par et d'autre de la méditerranée. Cette attitude pourrait du reste s'expliquer par sa non-confiance dans les capacités de cet «organe révolutionnaire» libyen à maîtriser du terrorisme et par sa peur de voir ces mêmes puissances occidentales qui l'ont soutenu s'installer à ses frontières. D'autre part, le deuxième enjeu, stratégique de taille pour les pays européens surtout en ces moments de crise économique est «l'immigration clandestine», à ce titre, ni la Tunisie post-Ben-Ali, ni la Libye post-El-Gueddafi, ni encore moins le Maroc royaliste sont aux yeux des occidentaux capables de freiner ces marées humaines qui envahissent leurs terres, l'Algérie est encore une fois sous les feux de la rampe en ce domaine et le régime d'Alger, face à une contestation sociale grandissante qui inquiète plus ou moins l'Occident, plus particulièrement la France, brandit sa deuxième carte «le barrage contre l'immigration clandestine» qui sans l'ombre d'un doute séduit une Europe qui «se droitise» chaque jour davantage et ne veut plus, pour emprunter au professeur Chitour sa plus belle expression «instaurer un tiers monde sur ses terres». Que l'on soit clairs, aucun pays arabe n'est démocratique, tous les régimes politiques sont corrompus, dictatoriaux et servent les intérêts de l'Occident «démocratique». C'est pourquoi, la démocratisation du monde arabe devrait provenir de ses entrailles et non plus par une quelconque injonction occidentale de quelque ordre qu'elle soit. En ce sens, l'on remarque que l'Occident, en participant à la traque d'El-Gueddafi via l'O.T.A.N a transgressé les prérogatives qui lui sont attribuées par les institutions internationales dans ce genre de conflits, sa mission consistait essentiellement à protéger les civils des raids des troupes d'El-Gueddafi par l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne selon l'esprit et les termes de la convention de 1973 qui permet l'intervention des forces onusiennes en cas d'atteinte aux «droits de l'homme» et en cas de conflit de basse ou de large intensité et non pas pour «viser» un convoi militaire d'un «président déchu» et en fuite qui, de toute façon, pourrait être quadrillé et encerclé par les rebelles sur terre surtout lorsque l'on sait qu'il était sur le point de quitter «Syrte», son fief et dernier refuge, pour une destination inconnue car les forces du C.N.T l'ont battu militairement sur le terrain. Cela dénote on ne peut plus, la volonté des forces de l'O.T.A.N de liquider El-Gueddafi à tout prix, ne l'ont-elles pas d'ailleurs ciblé alors qu'il s'est sauvé in extremis laissant son fils Seif-Al-Arab périr sous les bombes larguées sur sa demeure à Bab Al-Azzizia? S'agit-il réellement d'une «erreur tactique» comme l'a prétendu le général «Mike Mûllen» à l'époque. Ce que l'on pourrait dire est que, au-delà de toute supputation ou démagogie populiste, les frappes aériennes de l'O.T.A.N sont indubitablement «une tentative d'assassinat politique» en complète dérogation aux lois onusiennes, le journal «Le Canard enchaîné» dans son numéro du 26 Octobre dernier en avait révélé quelques dessous et traité cette machination d'«hypocrisie internationale». Une fois encore, le monde arabo-musulman, après le procès à huis clos et la mise à mort prématurée de Saddam et l'exécution dans des circonstances qui restent floues de Ben Laden, la quête de la vérité reste inachevée et les masses populaires y sont toujours sur leur faim. Qui a tué Ben Laden, Saddam et El-Gueddafi? L'Occident, les rebelles, les islamistes, les démocrates, les masses? Qui exactement? Autrement dit, les occidentaux «nous ont menti» et vont certainement continuer de nous mentir dans les années à venir car nos régimes politiques ne sont pas démocratiques et «troquent» leur dictature contre des pétrodollars. Bien pire, dernièrement même, ils n'ont pas tiré la sonnette d'alarme et n'ont pas répondu aux échos des cris de ces jeunes qui s'immolent par détresse et de ces peuples en attente de «réanimation» à la salle des urgences de la démocratie. *Universitaire |
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