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Dans un monde arabe encore monarchique, autocratique
ou dictatorial, la Ligue
arabe n'a pas vocation à défendre les sociétés contre les semblants
d'Etats qui les étouffent. C'est une organisation des Etats et son attitude
varie au gré du vent et des rapports de force entre gouvernements.
Que faut-il comprendre quand cette Ligue envoie une délégation dans une Syrie où le régime n'en finit pas de réprimer dans le sang des femmes et des hommes qui ne supportent pas l'indignité qui leur est faite et qui ont montré qu'ils ne reviendront pas en arrière ? Que même les «frères» des autres gouvernements ne peuvent plus faire semblant d'ignorer ce qui se passe en Syrie. Et qu'ils ne peuvent pas s'abriter derrière la notion de non-ingérence. Qui est d'ailleurs une notion incongrue au regard de l'idéologie «panarabiste» du parti Baath officiellement au pouvoir en Syrie. Théoriquement, le panarabisme proclamé devrait au contraire inciter les autres Arabes à s'intéresser à ce qui se passe partout dans le monde arabe. A plus forte raison quand des régimes pervers ne jouent plus que sur la violence et sur les nuisances qu'ils peuvent infliger à leurs peuples et à leurs pays. Il ne faut pas se faire d'illusion sans doute sur la mission de la Ligue arabe. Le mieux qu'elle puisse faire est d'essayer d'apporter à Bachar Al-Assad et ceux qui l'entourent autre chose que la propagande qu'ils distillent et à laquelle ils finissent par croire. C'est la loi du genre. Celle de l'auto-intoxication propre aux organisations à fonctionnement sectaire. De retour de Damas, Nabil Al-Arabi, le secrétaire général de la Ligue arabe, a indiqué qu'un accord avait été trouvé pour mener les réformes en Syrie. On ne connaît pas encore la nature de ces réformes. Sans rejeter la démarche de la Ligue arabe, les forces d'opposition syriennes restent prudentes. Elles ont de bonnes raisons pour cela car la répression s'est poursuivie avant, au moment et après le passage de la délégation de la Ligue arabe. Cette opposition, après plus de 2.000 morts, estime que les Syriens ne sont plus demandeurs de réformes mais de changement. C'est, vu de l'extérieur, une évidence. Il y a eu tant de morts que les Syriens ne peuvent accepter autre chose qu'un changement de régime. Il reste à en trouver les modalités et les mécanismes. Rendus difficiles par l'enfermement absurde du régime dans le tout répressif et dans l'entretien des appréhensions communautaires. La crise syrienne, en raison de l'entêtement criminel du régime, semble condamnée à aller vers le pire logique : une guerre civile qui justifiera une intervention étrangère, suivie d'une présence de longue durée. C'est officiellement ce que ne souhaite pas le régime, mais c'est pratiquement vers où mènent depuis des mois tous ses actes. Même quand il fait mine de parler de politique, il ne fait que ruser : il ne cherche pas une issue qui passe fatalement par son démantèlement. Le fait que le secrétaire général de la Ligue arabe affirme son refus de toute ingérence étrangère devient un simple exercice de style quand le régime de Damas s'évertue, chaque jour qui passe, à en créer les conditions. La Ligue arabe semble surtout tendre une perche à Bachar Al-Assad. Les messages s'accumulent. Même l'allié iranien signifie à Bachar Al-Assad qu'il fait fausse route et qu'il doit répondre «rapidement» aux «revendications légitimes de son peuple». De partout arrive un message simple : trop, c'est trop ! Il n'est pas sûr qu'il soit perçu à Damas. |
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