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Adéfaut de prendre à leur juste mesure les signaux qu'envoient, au prix de lourds sacrifices, les citoyens syriens aux dirigeants de Damas, ce sont les régimes arabes «réactionnaires» du Golfe qui viennent d'en envoyer d'autres au très faussement «progressiste» régime syrien. On peut spéculer sur les raisons qui poussent le roi Abdallah d'Arabie Saoudite à attendre cinq longs mois de répression avant de hausser le ton et de réclamer l'arrêt de la «machine de mort». On peut concéder qu'il n'agit pas par compassion pour les Syriens et que le monarque saoudien était, lui aussi, partisan de la «non-ingérence», derrière laquelle s'abritent les Etats arabes, dont l'Algérie. On peut même accepter l'idée que le haussement de ton de Ryad soit commandé par Washington. Toutes les spéculations sont permises, mais le message du roi saoudien peut être contresigné par toute personne douée de raison. «La Syrie n'a que deux choix pour son avenir : opter volontairement pour la sagesse ou s'enliser dans le chaos et la violence». Il faut juste préciser que le message s'adresse au régime syrien et non à la Syrie. Il a été précédé par un appel du Conseil de Coopération du Golfe et suivi par la très peu entreprenante Ligue arabe, qui vient, à son tour, d'appeler les «autorités syriennes à mettre fin immédiatement à tous les actes de violence et aux campagnes sécuritaires contre les civils». Avant les monarchies du Golfe, le régime de Damas a été tancé par la Russie - sa digue ultime au Conseil de sécurité avec son veto, qui risque de devenir incertain - et par la Turquie. Il y a une telle accumulation de messages que même un sourd entendrait. Ce n'est pas le cas de Damas où l'absurde est au pouvoir. Le régime a perdu la faculté de penser, de réfléchir : il ne fonctionne que par ses hideux automatismes sécuritaires. Sans même parvenir, après cinq mois de répression sanglante, à tirer la conclusion évidente que la démarche ne fonctionne plus et qu'elle ne lui ramène pas «son ordre». Et que chaque répression, chaque mort nourrit la révolte et la radicalise. Mais le plus grave est que les détenteurs du pouvoir à Damas sont en train de créer le terrain à l'intervention militaire directe. Alors que des pays comme la Russie ou la Chine font tout pour éviter une reproduction du cas libyen, les autorités syriennes font tout pour en réunir les conditions. Le régime syrien est tellement absurde qu'il ne lit plus clairement les messages qui lui sont adressés par des gouvernements alliés. C'est le cas de la Russie, dont le représentant permanent auprès de l'Otan, Dmitri Rogozine, avertit que les Occidentaux sont en train de préparer l'intervention militaire en Syrie. «Ils la préparent d'ores et déjà. Cette campagne serait l'achèvement logique des opérations militaires et informationnelles menées par certains pays occidentaux en Afrique du Nord», a indiqué l'ambassadeur. Le message russe aux dirigeants syriens est limpide : vous affaiblissez notre position en choisissant la voie de la répression sanglante. La Russie, la Chine et d'autres pays du Sud, hostiles à une intervention militaire extérieure, ont dû accepter une déclaration du Conseil de sécurité condamnant les «violations généralisées des droits de l'homme et l'usage de la force contre les civils par les autorités syriennes?». Il fallait bien envoyer un message à Damas qui n'écoute pas. En s'enfonçant dans la répression, le régime syrien pave le terrain à l'intervention extérieure. Ce qui, du point de vue de la logorrhée hypernationaliste en cours à Damas, relève de la pure trahison des intérêts de la Syrie, qui doivent toujours prévaloir sur ceux d'un régime. |
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