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Un discours pas très convaincant

par Kharroubi Habib



Du discours qu'il a adressé jeudi au monde arabe à «un moment où les habitants du Moyen Orient et d'Afrique du Nord se débarrassent des fardeaux du passé», l'on retiendra que le président Barack Obama a promis un changement d'approche des Etats-Unis envers la région et qu'il s'est pour la première fois prononcé en faveur d'un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967.

 Le changement d'approche promis peut, aux yeux de certains, sembler être déjà engagé au vu du soutien, en paroles du moins, que l'administration d'Obama prodigue aux manifestants depuis le début, il y a six mois, de la vague de révoltes populaires arabes. Mais les peuples arabes ont des raisons de douter que le changement promis tienne compte de leurs véritables aspirations.

 Là où leur révolte a abouti à la chute de leur despote et de son régime, ces peuples se rendent compte que les Etats-Unis oeuvrent en sous-main à l'instauration de pouvoirs qui, tout en démocratisant quelque peu la vie politique, se garderont de remettre en cause les intérêts géostratégiques américains dans la région, tels que définis par Washington. Des intérêts qui ont été cause pour les peuples concernés de décennies de dictatures cyniquement appuyées ou tolérées par ces mêmes Etats-Unis qui prônent la démocratie et le respect des aspirations populaires. Et qui font que l'Amérique continue à fermer les yeux sur les agissements de dictatures là où ces intérêts sont vitaux pour elle. En Arabie Saoudite par exemple, pour ne citer que le cas le plus flagrant.

 S'ils ne nient pas avoir besoin du soutien américain dans leur lutte contre leurs régimes pourris, les peuples arabes sont légitimement fondés à persister dans la méfiance qu'ils nourrissent à l'égard des Etats-Unis. Son discours de jeudi n'est pas le premier que Barack Obama a adressé au monde arabe. Dans les précédents, il avait aussi promis la révision de la politique américaine dans la région. Rien pourtant de fondamentalement innovant n'est intervenu dans cette politique ; il a fallu que les peuples de la région entrent en révolte contre les régimes en place pour que Washington exerce des pressions de quelque portée sur ces derniers pour les pousser à prendre en compte les revendications populaires.

 Autant dire que la promesse faite dans son dernier discours par Obama sera reçue par les peuples arabes avec beaucoup de détachement et de scepticisme.

 Ainsi les Palestiniens, à qui il a annoncé que l'Amérique est en faveur de leur Etat basé sur les frontières de 1967, attendront pour se féliciter de sa déclaration les résultats de sa rencontre à Washington avec le Premier ministre israélien. Habitués qu'ils sont de voir le président américain revenir sur ses engagements à leur égard après chaque rencontre avec le dirigeant palestinien ou quand les lobbys juifs expriment leurs désaccords avec ces engagements.

 Ce qu'il faut déduire du discours d'Obama au monde arabe, c'est que le président américain a conscience que le «printemps arabe» est porté par l'aspiration démocratique ; il n'est pas pourtant américanophile. Et pour que les Etats-Unis soient amicalement perçus dans le monde arabe, il leur faut faire plus que se déclarer favorables aux révoltes populaires.

 Barack Obama veut-il ou peut-il aller plus loin dans ce sens, alors que l'establishment américain considère qu'une vraie démocratisation du monde arabe est contraire aux intérêts nationaux de l'Amérique ? On en doute.