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Toute notre science
exacte, en dépit de sa froideur, de son absence d'affect, reste encore soumise
à la séduction du langage. La science a pour objet l'être réel, l'ensemble des
essences ou idées. La connaissance éclaire les esprits et facilite l'effort
vers le bien, tandis que l'ignorance paralyse cet effort.
Il est très difficile d'évaluer les points forts et les points faibles de la recherche en Algérie. Des opinions individuelles, on retiendra la prépondérance du génie civil, l'électronique, l'informatique, etc. Les mathématiques pures et appliquées sont décrites comme moyennes, la physique en revanche est faible et la chimie ne brasse plus les masses. Les spécialités de biologie, biochimie et celles qui donnent sur des métiers libéraux sont prises d'assaut. Les objectifs de la recherche en Algérie En sciences exactes, le niveau actuel des études est celui de l'alphabétisation. La querelle de préséance entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée est loin d'être réglée. Les grands programmes qui font le prestige des nations développées (spatial, défense, solaire, nucléaire, etc.) sont presque inexistants. Quant aux opérations de vulgarisation ou d'histoire des sciences, elles sont réalisées par quelques experts médiatiques venus de l'étranger. Il existe une séparation institutionnelle entre les centres de recherche, les universités et les grandes écoles. La relation entre la recherche académique et l'industrie n'existe presque pas, puisque l'industrie est pétrolifère, dominée par des firmes étrangères, qui n'investissent pas dans la recherche scientifique ou peu. Une faible proportion des universitaires a collaboré avec les entreprises nationales, de même une méfiance réciproque de la part des directeurs d'entreprises est constatée. Les nouveaux projets de recherche PNR arriveront sûrement à établir des liens et des liaisons entre l'Université et les secteurs publics ou privés. Position de la recherche algérienne De plus en plus fréquemment, on voit la science théorique prêter main- forte à la science pratique, pour le plus grand bénéfice de l'une et de l'autre. Les mathématiques sont venues au secours de la médecine, même dans des cas critiques du cancer et d'autres maladies. La médecine a souvent recouru à la statistique. Schaeffer et Shapin [01] ont montré comment s'est décidée, quelque part en Angleterre, à la fin du XVIIe siècle, la séparation entre le monde politique et le monde de la connaissance scientifique. Pour mieux servir la société, la science et les scientifiques doivent s'en tenir à l'écart. Que les chercheurs cherchent, et cherchent bien, le reste, le politique s'en chargera. La recherche académique ne garantit la réussite économique qu'immergée dans l'industrie et les services. Les avancées scientifiques les plus évidentes ne deviennent des produits industriels que s'il existe un appareil de développement capable de les traduire en technologies. La science doit être à la fois en dehors et dans le système politique. Rien n'empêche de simples artisans ou des entreprises algériennes d'innover leurs produits fabriqués. Cette innovation s'appuie sur le savoir-faire technique, les apprentissages collectifs, la virtuosité des individus, des travailleurs ou simplement des ingénieurs pour concevoir et commercialiser des produits finis destinés à un large public. On peut même se dispenser des chercheurs hautement gradés. En l'absence d'un monopole ou de position de dominance, des entreprises doivent savoir investir massivement dans une recherche et un développement pour devancer leurs concurrents. Elles peuvent se doter de leurs propres laboratoires de recherche pour concevoir des produits dont les débouchés seront assurés par des marchés publics. A l'Université, il faut qu'on développe des conventions avec les entreprises de type Cifre, qui les conduisent à co-financer des thèses et mémoires, en amputant ce financement de leurs impôts annuels. La recherche académique doit être visible et présente. Il faut encourager les chercheurs à mettre leurs travaux de recherche en page Web personnelles ou de visibilité en page Web des laboratoires, quitte à les rémunérer selon leur visibilité. Beaucoup d'universités algériennes n'ont pas de laboratoires visibles. Le laboratoire de recherche à l'Université Le laboratoire de recherche, qu'il ne faut pas confondre avec le laboratoire de travaux pratiques, est régi par le Décret exécutif n° 99-244 du 31 octobre 1999. Il tire sa faculté d'invention de son isolement ; il tire sa pertinence et son efficacité des multiples influences qu'il brasse et combine. C'est une aptitude à se retrancher et à se connecter à la société. La recherche doit être acceptée à la fois par les chercheurs et les décideurs, être intelligible pour les spécialistes et les non-spécialistes. La nature de la recherche et les résultats espérés ou escomptés sont de quatre ordres au moins : les activités de formation, la vulgarisation et l'expertise, la participation à la valorisation économique et la production de connaissances certifiées. L'heure est, pour les universitaires, à l'indétermination, l'indécision la plus inquiétante. Pour inventer, contribuer au confort de la société, à la résolution de ses problèmes quotidiens, il faut qu'on soit sociable et courtois. Après, il faut apprendre à interpeller les gens par des questions intéressantes et savoir les formuler. Il faut se réunir hebdomadairement, mensuellement, etc. A chaque fois, laisser des écrits, des traces pour ceux qui vont venir, pas pour espionner les gens. Ils sauront ce qui a été tenté dans le laboratoire comme expériences, à ne pas renouveler les expériences inutiles et inutilement, etc. Il faut que des équipes de recherche se créent, dirigées par le plus scientifique, quitte à ce qu'il soit le plus jeune. Au début, ces équipes seront formées par des chercheurs qui ont les mêmes intérêts scientifiques. Quand l'équipe aura acquis de l'expérience, on créera des équipes multidisciplinaires. Après, il faut un thème de recherche. Les difficultés dans la recherche. La bureaucratie non huilée La production scientifique d'un laboratoire de recherche peut être décrite par deux modèles. Le modèle linéaire, où les activités de recherche, de développement, de production, etc. se succèdent indépendamment et sans interactions. Dans le second modèle, un laboratoire universitaire produit des connaissances certifiées, participe à l'innovation, fait de l'expertise et de la vulgarisation, a des activités de formation et prend part à des programmes publics. Comment la recherche algérienne se situe-t-elle par rapport à ces deux modèles ? Il me semble que les Algériens se distinguent par une science académique dont le niveau est à déterminer, mais que la bureaucratisation à outrance, la pléthore d'organismes de tutelle rendent réfractaires aux idées scientifiques. En effet, les organismes dans l'orbite de la recherche sont : le Secrétariat d'Etat à la recherche, la Direction de la recherche scientifique et du développement technologique (Projet PNR, etc.), la direction des accords-programmes entre les universités algériennes et étrangères (projets de types CMEP, ?), la Direction des projets rétribués CNEPRU et le ministère de la Solidarité, par son intérêt aux scientifiques algériens à l'étranger. Dans une université, qui commande la recherche, sous-entendu aussi la gestion des laboratoires de recherche ? Le recteur ou le directeur de la recherche scientifique et du développement technologique ou le directeur de laboratoire de recherche ou les chercheurs eux-mêmes ? Pour les achats de matériels, le Directeur général de la recherche scientifique et du développement technologique n'a pas de mainmise sur les chefs d'établissements universitaires, il ne peut rien devant les recteurs, des ordonnateurs principaux. Il n'a aucune autorité sur eux ! Le directeur du laboratoire ne peut même pas signer un « bon de commande » de stylos. Pourquoi nomme-t-on un directeur de laboratoire, qui sera payé conséquemment, s'il n'est pas autonome, libre et indépendant de toute influence de gestion bureaucratique ? Cela constituera des charges inutiles pour le contribuable. Il y a beaucoup d'intermédiaires qui font écran et un frein entre la direction de la recherche et les responsables des laboratoires. Ces intermédiaires sont les vice-doyens chargés de la PG des facultés, les doyens, les vice-rectorats chargés de la PG, de la recherche et les relations extérieures, le Secrétariat général de l'Université (géré par un administrateur) et le rectorat. Ils ne sont nullement évoqués dans le décret exécutif sus-cité, texte qui régit les laboratoires dans les Universités. Si ces départements doivent être avisés, ou doivent faire leur comptabilité, ce n'est qu'a posteriori et non a priori. La tricherie de certains chercheurs Quand une mouche se pose sur le plus beau visage, c'est elle qu'on voit d'abord. La fraude est une maladie endémique du monde scientifique. A l'Université algérienne, des garde-fous peuvent être établis pour réduire la fraude, le plagiat ou les articles achetés des journaux payants qui s'avèrent une fraude beaucoup plus «pernicieuse». Il s'agit du jugement de pairs, la relecture systématique des manuscrits scientifiques par des experts algériens avant publication dans des revues, plus particulièrement douteuses, la reprise des expériences par d'autres scientifiques qui doit aboutir aux mêmes résultats et l'utilisation des données de type « benchmarks » pour confirmer ou infirmer les résultats. Concernant la fraude et le plagiat, même l'Amérique n'est pas épargnée. Dans [02, p.34], j'ai retrouvé un écriteau du type : ? C'est le hasard seul qui dénonça le Dr John Roland Darsee, jeune chercheur à la célèbre Harvard Medical School et qui, en deux ans, a publié près de deux cents articles et résumés, dont certains co-signés par son chef de service, le cardiologue Eugène Brauwald, directeur de deux laboratoires de recherche ayant reçu plus de trois millions de dollars de financement des National Institutes of Health (NIH), qui sélectionnent les projets de recherche d'intérêt national qui méritent d'être financés. Conclusion L'Etat est conduit à déléguer ses responsabilités en matière de recherche et de développement aux vrais chercheurs et directeurs de laboratoires. Les grandes administrations scientifiques sont devenues d'énormes machines qu'il convient d'alimenter en budget d'Etat faramineux pour la recherche que les « vrais chercheurs» leurs procurent par le biais des plans triennaux, et dont certains ne voient presque jamais la « couleur » de l'argent. Leurs responsables sont habitués à un certain train de vie. La bonne représentation exige aussi de nombreux voyages à l'étranger, afin de visiter les scientifiques algériens qui y résident et pour entretenir leur engagement à servir la patrie et leur fibre patriotique. Tout cela coûte cher. La grandeur d'un progrès se mesure même d'après le sacrifice qu'il a fallu lui consentir. Les enseignants ne sont pas des hérauts du progrès, leur niveau scientifique y est pour quelque chose. Le problème de la valeur est : tout est relatif, tout est égal, tout se vaut. *Universitaire Références : 1. S. Schaeffer et S. Shapin. Leviathan et la pompe à air., La découverte, 1993. 2. Revue Science & Vie, les nouvelles théories de l'Univers, août 1983, mensuel, n°791. |
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