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Après des flottements intervenus à la suite de
l'attaque médiatisée des «baltaguis» contre les manifestants de la place
At-Tahrir, les Américains s'en tiennent à leur ligne de soutien à Moubarak pour
qu'il aille jusqu'au bout de son mandat avec l'engagement de réformes.
L'émissaire d'Obama l'a dit sans ambages. Même si de Washington on fait valoir
qu'il s'agit d'un «point de vue personnel», il est manifeste qu'il exprime un
consensus au sein de l'establishment américain.
La révolution s'est déclenchée. Il convient, à défaut de l'étouffer, de la contenir, de la contrôler et d'éviter qu'elle aille «trop loin». Les Américains, qui disposent «d'amis» dans les rangs de l'opposition, renforcent de fait la capacité de négociation du régime. Si les manifestants de la place At-Tahrir et du reste de l'Egypte veulent la chute du régime, Washington, au nom de ses intérêts stratégiques, n'en veut pas. Préserver Hosni Moubarak et lui permettre d'organiser sa sortie ? et d'éviter la déconfiture de Ben Ali ? répond, au-delà des considérations subjectives, à cet objectif. Il a suffi que le pouvoir égyptien mette fin aux attaques des «baltaguis» pour que la cote de Moubarak, qui semblait égale à zéro, remonte. Désormais, c'est affirmé publiquement. «Le rôle du président Moubarak est toujours important. Contrairement à la Tunisie, dont le président a pris la fuite, l'Egypte a toujours son gouvernement et l'autorité de celui-ci est toujours liée à ses forces armées, ce n'est pas le chaos complet», a indiqué Wisner. Ce n'est pas totalement faux. Et les Etats-Unis, en dépit d'une communication qui semblait désemparée durant quelques jours, ont tout fait pour que la révolte populaire des Egyptiens ne se transforme pas en révolution. Rien n'est définitivement joué, mais le régime de Moubarak est en train d'appliquer la feuille de route proposée par le même Wisner en comptant sur le temps, l'usure et l'effritement du front de l'opposition. Les Américains ne font plus de remontrances. Au contraire, et alors qu'une grande partie de la population veut que Moubarak dégage, les Américains sont carrément dans l'éloge. Il faut sauver le soldat Moubarak - dont la fortune personnelle atteindrait, selon The Guardian, la somme faramineuse de 70 milliards de dollars ! -, tel est le mot d'ordre de l'Empire. Mme Hillary Clinton, qui semble revenue de ses frayeurs initiales à la vue des Egyptiens bousculer le «raïs», veut une «transition bien ordonnée». Dick Cheney, le fauteur de la guerre sanglante contre l'Irak, ne tarit pas d'éloges sur cet «homme bon, ami et allié des Etats-Unis». Qu'il est brave ce Moubarak? Le peuple égyptien serait presque un ingrat de ne pas comprendre ce qu'il perd et ce qu'il pousse vers la porte de sortie ! Mais ces soutiens à Hosni Moubarak, qui ne sont pas surprenants, ne répondent pas seulement au souci de préserver un homme qui a, pendant tout son règne, servi loyalement les Etats-Unis. Au-delà de cette personne qui pèserait tant de milliards - qui ne sont pas le fruit de l'accumulation d'un salaire présidentiel -, les Américains veulent se donner le moyen de reprendre la main sur un pays qui peut leur échapper. Laisser tomber Hosni Moubarak, tout de suite, sous l'effet de la poussée populaire, aurait provoqué un changement trop profond et trop brusque. Il faut que l'Egypte se démocratise mais pas trop. Il faut donc préserver une partie du personnel en place et accélérer les décantations dans le front de l'opposition. Moubarak, qui encombre toujours l'avenir de l'Egypte, est encore utile à l'Empire. |
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