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Le divin, zemmour et l'humain

par Abdou B.

«La haine, c'est la colère des faibles». A. Daudet

De nombreux experts et économistes nationaux critiquent avec mesure et moult arguments les nombreuses tentatives de politique industrielle qui s'avèrent très rapidement être des échecs. Les derniers sont plus ou moins masqués, provisoirement, par les réserves de change accumulées grâce aux seuls revenus des hydrocarbures qui dopent les dépenses et investissements publics. Les critiques en question et d'autres qui portent sur la corruption systémique et non marginale, la mise à la casse de compétences jeunes, sur l'islamisation qui gangrène la société au point que le terrorisme, «résiduel» il y a peu de temps, impose de réarmer des franges de la population, émanent toutes d'Algériens à part entière. Ceux-ci, qui ne sont sous le coup d'aucune accusation de haute trahison et dont certains ont occupé de très grandes responsabilités il y a peu, sont pourtant considérés comme des ennemis, des opposants enragés sinon des charlatans invertébrés. Parce que les discours, les analyses et les décisions des gouvernants sont d'essence divine.

L'exécutif ne peut jamais se tromper, ne peut jamais commettre d'erreur car il est divin. Contrairement aux humains, patriotes indiscutables qui critiquent et proposent, qui sont d'extraction humaine, donc se tromper comme le prophète de l'Islam qui se considérait humain, trop humain.

La décision prise de redistribuer des armes à des citoyens qui vont s'en servir contre la barbarie terroriste pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. Le terrorisme a donc encore du temps, des forces, des espaces pour que l'Etat se déleste du fondement premier des républiques modernes : l'usage de la force armée qui est partagée désormais avec les citoyens. Contrairement à l'article 24 de la Constitution. Faire cette remarque est-il antipatriotique ou bien à l'encontre d'une décision divine qui n'a nul besoin d'être débattue au Parlement avec les forces politiques, au vu d'éventuels dérapages, détournements ou prise de ces armes qui poseront aussi des problèmes lorsqu'il faudra les récupérer? Ce qui est déjà arrivé. L'opposition en Algérie, c'est une évidence, est un héritage qu'il faut juste réguler et gérer et non pas la faire participer à ce qui est divin. Comme les journaux qui ne sont ni vendus ni lus mais qu'il faut perfuser pour créer l'illusion d'une abondance pluraliste.

Et là, pour le contrôle des dépenses publiques et la lutte contre le gaspillage, rien n'interdit au Parlement, qui est d'essence humaine, de créer une commission d'enquête. Cette dernière, avec l'aide de l'IGF et de la Cour des comptes, peut arriver à faire évaluer le niveau d'un gaspillage qui ne choque personne. La totalité des journaux publics ajoutés à des titres privés sans audience aucune coûtent des milliards. Pour les publications publiques (et les journalistes qui y travaillent ne sont pas en cause), il y a les salaires, l'importation du papier, les locaux, les charges de fabrication (essence, électricité, abonnement à des agences, Internet, l'impression, la diffusion, les frais de mission à l'intérieur et à l'extérieur du pays, etc.). La commission d'enquête peut mesurer tous les coûts à la charge du Trésor et d'annonceurs publics obligés, les ventes, donc la largeur des lectorats. Il s'agira ensuite de mesurer, à la lumière des ventes, les impacts politique, culturel, social, économique et démocratique dès lors que l'Etat peut communiquer par des instruments un peu plus efficaces que sont la radio et la TV. L'argent en question peut servir à créer un journal indépendant de qualité mondiale indiscutable pour dire et défendre les intérêts stratégiques du pays, sans se soucier des alternances, toujours éphémères. Ce que fait «le Monde» pour la France. On peut y ajouter de grandes revues spécialisées (théâtre, cinéma, musique, littérature, etc.) et l'activation de l'opération Ousratic perdue en cours de route. Et là, la commission, si elle est souhaitée et pas opposable au divin, pourra constater le gaspillage et préconiser son assèchement, pour une bonne maîtrise des dépenses publiques.

Ce qui ramène au fonctionnement du champ politique en Algérie, sachant que le divin est toujours supérieur à l'humain. Si le terrorisme est durable puisqu'il tue chaque jour et que des citoyens sont réarmés contre lui, il y a un nécessaire et urgente mobilisation contre ses fondements doctrinaux et idéologiques.

A côté de la lutte armée, il y a la guerre idéologique et politique à mener contre l'intégrisme, les discours salafiste, afghan, wahhabiste pour que la réconciliation nationale fasse le plus large consensus possible et que la société se libère de l'inquisition qui s'installe. Les femmes, la modernité, les libertés du culte, d'expression syndicale sont les premières victimes de la bigoterie, de la complaisance des responsables du clergé officiel et du silence de partis devant le rouleau compresseur de l'archaïsme et d'une religion tellement manipulée et politisée qu'elle en devient étrangère.

Le premier jour de novembre est passé inaperçu, à part dans quelques journaux. Cette date est progressivement banalisée, occultée, oubliée jusqu'à ce qu'elle ne dise plus rien. Y compris à ceux qui ne la commémorent pas pour s'en aller guerroyer contre une loi française. Le triste Eric Zemmour s'en donne à cœur joie contre la Révolution de Novembre, les Noirs et les Arabes. Ce n'est sûrement pas à l'honneur du service public qu'est «France Télévision», son employer, ni à celui des élites françaises qui occupent les médias, mais gardent un complaisant silence sur les propos du rance Eric. Si le visage peut être le reflet de l'âme, les transformations de celui de Zemmour lorsqu'il prononce les mots «Noirs» et «Arabes» en sont une parfaite démonstration.

Au lieu de braquer sur des choses compliquées comme une loi pour criminaliser le colonialisme, il y aurait peut-être mieux à faire. Mobiliser des millions de signatures, enrôler de grands avocats et rejoindre les ONG et les associations de France pour saisir les tribunaux français et internationaux pour juger le racisme affiché de Zemmour. Ce serait la meilleure réponse aux révisionnistes et aux nostalgiques vaincus de la Guerre d'Algérie. Mais il est plus facile de donner du grain à moudre au rance Eric en inculpant des non jeûneurs. Chacun à la haine qu'il peut, à hauteur de sa rente.