Enfin une bonne nouvelle dans un pays qui vieillit mal: le
week-end sera un vendredi-samedi dès la mi-août prochaine. C'est moitié-moitié
entre les affaires de Dieu et les affaires du pays. L'accouchement a été long
et on a mis des décennies à corriger ce bug du calendrier pour cause d'arabité
plus arabe que celle des Arabes fantasmatiques. Cela fait même des décennies
que l'on traîne cette singularité dans le comput des jours ouvrables et des
jours non ouvrables. Et s'il faut en parler, c'est parce que cela avait été
l'un des plus gros faux débats nationaux depuis des décennies. Sur cette simple
petite correction sur les journées de repos hebdomadaire, on a fini par greffer
des enjeux idéologiques disproportionnés comme toujours. Les défenseurs du
jeudi-vendredi s'y sont barricadés en défenseurs de l'identité nationale et de
la religion d'Etat, et leurs adversaires insonores ont investi «la question» en
avocats de l'intérêt national, de la modernité et de la rentabilité. Du coup,
glissant dans le hors propos, on s'est retrouvé à débattre d'un simple détail
tout à fait technique avec des prises de positions entre laïcs et
traditionalistes, religieux et libéraux, francophones et arabophones,
nationalistes et comptables, économistes et idéologues. Ce n'était plus
jeudi-vendredi contre vendredi-samedi, mais Dieu contre dollars, nous contre
l'Occident. On comprendra alors pourquoi notre régime bien-aimé, assis sur la
branche du conservatisme nationalo-religieux ait eu de la peine à trancher
comme l'ont fait les sociétés étrangères venus s'installer dans le pays. La
«Question» était à chaque fois amalgamée avec les plus grosses maladies
algériennes: xénophobie, intolérance, sémitisme anti-sémite... etc.
Cela vient donc
d'être décidé: le week-end algérien sera semi-universel. Comme son argent, son
pétrole, ses banques, ses assurances et ses démos numériques. Sur la liste,
seul le bon peuple avait encore le visage pris en otage entre les deux
oreilles. Faut-il rêver d'une suite ? Un peu, puisque c'est gratuit: un pays
avec plus de bibliothèques et de sourires que de mosquées de quartiers et de
dos d'âne, une contrée où la différence est acceptée et non pas seulement
regardée à la télé des chaînes étrangères et surveillée dans les plages, un
vaste territoire où Dieu est dans les coeurs et pas dans la bouche et sur le
front, un avenir n ational où le religieux est un choix pas un casque en métal,
un pays où on parle algérien pas en langues mortes et mortelles. Cela est-il
possible ? Possible: on ne change pas de siècle en changeant de jours de repos,
mais c'est un bon début.