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Le
système iranien traverse une crise sérieuse. Elle n'est pas, contrairement à la
présentation qui en est faite par les médias et les officiels occidentaux,
celle qui opposerait des réformateurs à des conservateurs. Elle oppose
effectivement des clans au sein du régime. L'alliance entre des hommes aux
parcours aussi différents que Mir Hossein Moussavi, Mohamed Khatami et Hachemi
Akbar Rafsandjani, l'homme le plus riche d'Iran, devait se traduire par une évolution
au sein du régime et modifier le rapport de force interne.
Les électeurs, en donnant un écart aussi considérable à Ahmadinejad, ont consacré l'affaiblissement de cette coalition hétéroclite. Le recours à la rue est donc destiné à contester l'ampleur de la victoire d'Ahmadinejad et des forces qui le soutiennent. C'est un bras de fer à l'intérieur du système qui oppose le corps des Gardiens de la révolution au Bazar. La cible de cette campagne de grand style, relayée avec vigueur, n'est pas le président élu mais le Guide de la révolution, Ali Khameneï. Ahmadinejad, avec ses manières abruptes et ses mises en cause très claires des «éléments corrompus», a certainement contribué à exacerber la position de Rafsandjani, celui que l'opinion iranienne surnomme le «requin». Durant la campagne électorale, il a osé dire tout haut ce que pense la majorité des Iraniens en accusant Hachemi Akbar Rafsandjani d'être au cœur d'un système de corruption. A l'évidence, il a sous-estimé la réaction de survie de ce grand bazari qui refuse d'accepter que la victoire d'Ahmadinejad sonne le glas de son influence politique. La campagne électorale s'est progressivement transformée en référendum sur la destinée de la révolution islamique. Ahmadinejad se représentant en tant que continuateur de la pureté originelle du régime, au plan de la piété, du populisme et de la moralité, a pu compter sur la base immense des pauvres, urbains et ruraux, hermétiques aux slogans réformistes de son adversaire Moussavi. La réponse a été sans appel. Le dépit des partisans du candidat malheureux est exploité pour essayer de contester dans la rue ce qui n'a pas été obtenu par les urnes. La bourgeoisie d'affaires et une grande partie des élites souhaitent une représentation moins fruste de l'Iran, mais il est incontestable que leur mécontentement est monté en épingle et nourri par un soutien externe multiforme, y compris par des moyens non orthodoxes. La stratégie américaine est claire : il ne s'agit pas de soutenir tel ou tel candidat mais bien de créer les conditions de la déstabilisation d'un pays représenté comme un ennemi irréductible de l'Occident. Il est donc probable que les troubles perdurent, mais attendre un changement de régime paraît hautement improbable. Dans une situation où la nuance est de mise, les médias occidentaux présentent les choses de manière simpliste. Comme pour la «campagne» guerrière d'Irak ou pour le coup d'Etat avorté contre Chavez, ces médias n'informent pas, ils font la guerre... |
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