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Un mandat d'arrêt qui divise la communauté internationale

par Kharroubi Habib

Le mandat d'arrêt international lancé mercredi contre le président soudanais Omar El Bachir par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M. Luis Moreno Campo, a pour effet d'avoir divisé la communauté internationale sur son appréciation. Aux réactions de satisfaction et d'approbation exprimées par les Etats-Unis, l'Union européenne, Israël et quelques autres Etats, s'opposent celles manifestées par les Etats arabes, les pays musulmans, l'Union africaine, la Russie, la Chine et d'autres dénonçant ou regrettant cette décision de la CPI.

Cette division internationale sur l'initiative de la CPI était prévisible tant les causes de la tragédie du Darfour et l'identification des responsables qui en sont à l'origine sont sujettes à des interprétations et à des désignations contradictoires.

Le premier camp a fait de la cause du Darfour son cheval de bataille en ciblant le président soudanais Omar El Bachir et d'autres responsables de son régime en tant que coupables d'une politique à l'égard de cette région du Soudan qui a conduit à des crimes contre l'humanité et de guerre (voire au génocide) dont ils sont comptables au premier chef pour avoir donné les ordres les ayant rendus possibles ou avoir directement participé à leur exécution. Normal donc qu'il applaudisse l'initiative de la CPI basée sur des conclusions reprenant les mêmes accusations qu'il développe contre le président soudanais.

L'autre camp, celui des opposants au mandat d'arrêt contre le président soudanais, dénonce la décision de la CPI aux motifs qu'elle crée un précédent, celui de déférer un chef d'Etat en exercice devant un tribunal international avec tous les risques de déstabilisation que cela peut provoquer dans son pays, voire régionalement. Qu'elle procède d'une justice à double vitesse devant laquelle ne sont justiciables que les dirigeants des pays faibles. Qu'enfin la tragédie du Darfour n'est pas imputable aux seuls président soudanais et son gouvernement, mais aussi à d'autres parties soudanaises, mais aussi étrangères intéressées à distraire cette région de l'autorité centrale de Khartoum.

Cela étant, il ne fait aucun doute que le président Omar El Bachir et son régime ont une grave responsabilité dans la tragédie qui a cours au Darfour, qui justifie que la communauté internationale lui en demande de rendre compte.

Pour autant, la «justice internationale» se serait grandie si elle avait décidé d'aller au fond des choses dans le dossier du Darfour en identifiant tous les protagonistes de la tragédie et en usant à leur égard de son droit à les déférer devant elle au même titre que le chef d'Etat soudanais.

Il y a aussi, et c'est encore plus troublant, que le mandat d'arrêt international contre El Bachir est lancé alors que des négociations de paix ont été pratiquement conclues entre le gouvernement soudanais et la principale faction armée qui le combat au Darfour. N'est-ce pas qu'il existerait alors des milieux étrangers opposés à cette sorte de solution au Darfour, qui, pour la rendre impossible, ont fait pression pour que la CPI lance à ce moment-là son mandat d'arrêt international ?

Pour être crédible et acceptée, «la justice internationale» ne doit pas avoir de relents pétroliers et surtout ne pas apparaître être aux ordres de grandes puissances.