Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LE MASQUE ET L'OPPORTUNITE

par K. Selim

Bouteflika or not Bouteflika ? Avant l'incident de santé, le débat feutré mais justifié sur le quatrième mandat permettait d'évacuer l'essentiel. Celui de la sortie du pays d'une hibernation politique et économique que les tenants de l'ordre établi présentent absurdement comme un signe de stabilité. Il n'est pas nécessaire de montrer les exemples d'une hibernation suicidaire. Celui de la Syrie étant assez exemplaire, avec son encadrement politico-policier qui a craqué de l'intérieur avant d'être attaqué de l'extérieur. C'est un système où l'aveuglement, la perte du sens du réel se nourrissent d'une auto-intoxication que tous les profiteurs du système entretiennent et aggravent.

La question du quatrième mandat encombre la perspective politique. Mais elle sert aussi de masque. Elle permet de focaliser sur un homme au lieu de s'attaquer au fond des choses et de reprendre résolument le chemin de la réforme, bloquée au début des années 90 avant d'être totalement bannie sous l'euphorie de la montée des recettes pétrolières. On ne sait pas quelles sont les intentions du président de la République mais il rendrait objectivement service au pays en indiquant qu'il n'est pas dans la course pour un nouveau mandat. Cela permettra d'évacuer l'écran de fumée qui masque les enjeux. Sans candidature de Bouteflika, le système algérien est nu et il se révèle pour ce qu'il est. Une vieillerie dangereuse qui n'est pas fondamentalement différente de ses confrères arabes même s'il se pique, aujourd'hui, de prétendre qu'il a fait sa «révolution» en octobre 1988.

Il existe une fenêtre d'opportunité - qui ne va pas durer - pour créer une dynamique de changement vertueuse et elle passe par un démantèlement pacifique et ordonné du système en place pour aller vers un Etat de droit et la démocratie. Personne ne doit se dire que cela n'arrive qu'aux autres, aux Syriens, aux Libyens? C'est arrivé au Soudan où l'impéritie des élites n'a pas transformé en nation la géographie héritée du colonialisme. La gabegie est telle que le Soudan est devenu aujourd'hui le très gros «précédent» de la remise en cause de l'intangibilité des frontières héritées du colonialisme. Si cela ne fait pas «sens» en Algérie - qui est devenue le pays le plus vaste d'Afrique après l'indépendance du Sud-Soudan -, cela veut dire qu'on est dangereusement atteint du syndrome Kadhafi ou Bachar. Ce n'est pas le premier démembrement qu'il y a eu, ce qui s'est passé dans l'ex-URSS a également valeur d'avertissement.

LA «MALCHANCE» DES REFORMES EN ALGERIE EST D'ETRE INTERVENUE DANS UN CONTEXTE LOURD DE FAILLITE FINANCIERE ET DE CRISE SOCIALE AGGRAVEE PAR DES RESISTANCES EN PARTIE DUES A DES INCOMPREHENSIONS. L'ALGERIE A EU LE TEMPS DE DECOUVRIR QUE LES TENTATIVES DE «RUSER» AVEC LA REFORME, VERS L'OBLIGATION D'ALLER A UNE GOUVERNANCE TRANSPARENTE ET CONTROLEE PAR DES INSTITUTIONS ELUES SERIEUSES SONT VAINES. IL Y A TOUJOURS, AVANT LES TUMULTES, LES EMEUTES ET LES REVOLUTIONS, DES OCCASIONS DE FAIRE JOUER A LA POLITIQUE SON VRAI ROLE, CELUI D'ETRE UN MOYEN DE SE PASSER DES CONFLITS VIOLENTS ET D'ELABORER DES SOLUTIONS ET DE LES METTRE EN ?UVRE «POUR L'INTERET DE TOUS». EN ALGERIE, AUJOURD'HUI, CELA RELEVE DE LA RESPONSABILITE DE CEUX QUI DETIENNENT LE POUVOIR. RIEN N'INDIQUE POUR L'INSTANT, HELAS, QU'ILS NE VONT PAS GACHER CETTE OPPORTUNITE.





Télécharger le journal